Selon les conclusions d’une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), Vente-privée (devenu Veepee) aurait sciemment trompé le consommateur en proposant des réductions fictives. Quelles pourraient être les conséquences pour le numéro deux français de l’e-commerce ? Les explications d’Hugues Villey, avocat au cabinet BCTG Avocats.
Qu’est-ce qu’un « prix de référence fictif » ? Comment définir une « pratique commerciale déloyale » ?
La notion de prix de référence sert à apprécier le caractère sincère ou non d’une annonce de promotion de prix. Le régime actuel est fixé par un arrêté du 11 mars 2015 qui est venu préciser que le prix de référence est celui à partir duquel la réduction est annoncée. Ce prix de référence doit impérativement être affiché en plus du prix réduit annoncé.
L’annonceur est libre dans la détermination du prix de référence et peut donc choisir parmi le prix couramment pratiqué, le prix constaté auprès d’autres enseignes, les prix conseillés, le prix à une date déterminée, le prix moyen de vente, le prix de début de saison, etc.
En cas de contrôle, l’annonceur doit être en mesure de justifier de la réalité et de la loyauté du prix de référence. Pour ce faire, il peut utiliser tous les moyens de preuve (notes, bordereaux, bons de commande, tickets de caisse, catalogues, prospectus publicitaires, ou tout autre document).
Concernant le prix de référence fictif et les pratiques commerciales déloyales, la seule restriction à la liberté de l’annonceur est de s’assurer que l’opération promotionnelle n’est pas constitutive d’une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 121-1 du code de la consommation1.
Plus précisément, un « prix de référence fictif » — à savoir déterminé indépendamment de toute réalité économique, par opportunité, pour donner l’impression au consommateur que la réduction de prix est encore plus importante que celle fixée par rapport à un prix de référence réel — peut être qualifié de pratique commerciale trompeuse dès lors qu’elle touche au caractère promotionnel du bien ainsi qu’à son prix (Article L.121-2 du Code de la consommation).
Quelles sont les prochaines étapes de la procédure ? Quelle(s) sanction(s) risque l’entreprise ?
La DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes — ndlr) a transmis au Procureur de la République près du Tribunal de grande instance de Bobigny les conclusions de ses investigations concernant les pratiques mises en place par Vente-privée.com. Le parquet décidera des suites à donner à cette enquête (poursuite pénale ou classement sans suite).
Vente-privée.com encourt une amende de 1,5 million d’euros. Toutefois, ce montant peut être porté à 10 % du chiffre d’affaires annuel de la société en fonction des avantages tirés du délit, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit (article L.132-2 du Code de la consommation et 131-38 du Code pénal).
Le dirigeant de la société peut également faire l’objet de poursuites à titre personnel et encourt une amende de 300 000 euros et deux ans de prison.
Quelles autres enseignes d’e-commerce ont fait l’objet de procédures contentieuses ?
Entre fin 2015 et courant 2016, 19 entreprises d’e-commerce — dont Amazon, Zalando, le Comptoir des cotonniers, H&M, GrosBill, Darel et Netquattro — ont été sanctionnées par la DGCCRF pour ce même type de pratiques2.
Les pratiques relevées étaient celle des « fausses promotions », qui consiste à afficher un taux de promotion (50%, 60%, 70%) particulièrement élevé, en comparant le prix de vente à un « prix de référence illusoire3 ».
Tandis qu’Amazon, Zalando et le Comptoir des Cotonniers ont transigé (amende de 1,5 million d’euros), H&M, GrosBill, Darel et Netquattro ont préféré poursuivre la procédure, qui est toujours pendante à l’heure actuelle4.
D’une manière générale, les enseignes e-commerce et les marketplaces font l’objet d’une surveillance accrue de la part de la DGCCRF depuis 2016 : 10 829 sites Internet ont été contrôlés en 2016, période à laquelle les perquisitions chez Vente-privée.com ont été effectuées.
En matière de prix, quelles stratégies sont particulièrement surveillées par la DGCCRF ?
Dans le cadre de sa mission de surveillance globale des pratiques commerciales déloyales, la DGCCRF est particulièrement attentive aux pratiques relatives aux annonces de réduction de prix, aux soldes et aux ventes privées.
Cette surveillance s’est renforcée depuis 2016 et la publication de l’enquête sur les pratiques promotionnelles et l’affichage des prix dans le commerce de détail. La DGCCRF avait annoncé dans son rapport que « les manquements relevés restant à un niveau très élevé, [la DGCCRF] effectuera d’autres enquêtes dans ce secteur et renforcera ces contrôles ».
Pour les entreprises, il convient donc d’être attentif à la constitution et la conservation d’un dossier probant au soutien des prix de référence qui auront été retenus dans les opérations de prix promotionnels.
1. Constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L.121-1 du Code de la consommation une pratique susceptible « d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».
2. DGCCRF, bilan d’action 2016 ; Atelier de la DGCCRF du 22 mars 2017, Les droits des consommateurs face aux entreprises du numérique, p.11.3
3. DGCCRF, Bilan d’action 2016.
4. Atelier de la DGCCRF du 22 mars 2017, Les droits des consommateurs face aux entreprises du numérique, p.11.