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Stanislas de Bentzmann (Devoteam), portrait d’un entrepreneur libéral


À 54 ans, le cofondateur de Devoteam ne met pas de frein à ses ambitions. Son entreprise vise le milliard d’euros de CA d’ici la fin de la décennie et ses idées gagnent du terrain.  

Entreprendre - Stanislas de Bentzmann (Devoteam), portrait d’un entrepreneur libéral

À 54 ans, le cofondateur de Devoteam ne met pas de frein à ses ambitions. Son entreprise vise le milliard d’euros de CA d’ici la fin de la décennie et ses idées gagnent du terrain.
 

L’esprit de la Silicon Valley

Tout juste diplômé d’une école de commerce, l’INSEEC, en 1987, le jeune Stanislas de Bentzmann s’envole pour la Californie, s’inscrivant pour passer un Bachelor en marketing et en informatique à l’université de San José, réputée pour être le poumon intellectuel de la Silicon Valley.

«J’avais dans l’idée que la technologie était un élément de transformation du monde, d’innovation, dotée d’un potentiel fantastique. San José était à l’époque un endroit où il se passait quasiment tout en termes de technologie et de business». Une prémonition couronnée de succès.

Apprentissage à la dure

De retour en France, Stanislas de Bentzmann, après avoir analysé le marché, lance Message, une petite société spécialisée dans la mise en place d’unités de production dans les pays low cost pour le compte de la grande distribution.

Une 1ère expérience de la mondialisation mais aussi des difficultés du petit patron : «Je n’ai pas réussi à développer l’entreprise de manière satisfaisante car nous avions des problèmes de financement. Nous payions nos fournisseurs au comptant et nos clients nous réglaient à 140 ou 150 jours. Finalement, épuisés par cette bataille permanente, nous avons fini par vendre. Aujourd’hui, je pense que dans la même situation, nous aurions trouvé les financements nécessaires pour soutenir notre croissance ».

Une 1ère expérience qui a appris au jeune entrepreneur à encaisser, à résoudre les problèmes, à manager les équipes. Utile quand on dirige une entreprise de 4.500 salariés.

1 Md€ en 2020

C’est l’objectif affiché par le plan stratégique pour Devoteam présenté en début d’année et baptisé «Scale !». Ambitieux, mais réaliste. Le groupe a réalisé 555 M€ de CA en 2016, avec une belle marge d’exploitation de 8,5%.

Et il peut compter sur des partenariats stratégiques avec les géants du Web et les grands éditeurs mondiaux qui investissement massivement dans le cloud. Devoteam a en effet conclu des accords avec, entre autres, Google, Salesforce et Microsoft. Devenir une licorne, pas mal pour une société qui aura tout juste 25 ans en 2020.

Une direction bicéphale

Lorsqu’il décide, après 5 années passées chez Randstad, d’abord comme responsable commercial de la division informatique puis en charge des activités de fusions et acquisitions, de se lancer à nouveau dans l’avenir entrepreneurial, Stanislas choisit un associé de confiance, son frère aîné Godefroy (58 ans aujourd’hui).

Lui aussi diplômé de l’INSEEC, il a fait sa 1ère partie de carrière chez IBM. Non seulement les deux frères se partagent la présidence du directoire de Devoteam, mais aussi les responsabilités publiques. Si Stanislas a présidé Croissance Plus jusqu’en juillet dernier, Godefroy a pris il y a un an la tête du Syntec Numérique, l’organisation représentative des entreprises du secteur digital.

Rigueur salariale

Le responsable patronal s’érigeait contre la limitation des rémunérations des dirigeants : «Plafonner les salaires dans un système ouvert et libre ferait fuir les entreprises à l’étranger. Je pense qu’il n’y a qu’une seule doctrine : confier les rémunérations des dirigeants aux votes des assemblées d’actionnaires».

Ceux de Devoteam (à commencer par la famille de Bentzmann qui détient 26,4% des parts), n’ont pas à rougir des salaires versés aux deux frères dirigeants, moins de 600.000 € chacun, bien loin des millions de certains grands patrons aux résultats nettement moins brillants.

Haro sur les 35 heures

Libéral affiché, Stanislas de Bentzmann a toujours porté la voix des entrepreneurs «afin d’aider à créer un cadre économique favorable à la croissance et à l’emploi».

Partisan d’une simplification du Code du travail pour donner plus d’agilité à l’embauche, une thèse défendue par de nombreux patrons, c’est surtout un adversaire farouche des 35 heures, une loi qui traduit une «vision archaïque de la société française et inappropriée à la tertiarisation de l’économie et qui constitue probablement la démonstration la plus caricaturale de la méconnaissance de l’entreprise par le monde politique».

En 2014, le président de Croissance Plus signe même, avec l’économiste Pascal de Lima, un livre intitulé Les 35 heures, une loi maudite : comment en sortir sans drame. Difficile d’être plus clair.

La barre à droite

Avec Henri de Castries, l’ancien président d’Axa, Stanislas de Bentzmann a été l’un des premiers grands patrons français à apporter publiquement son soutien à François Fillon, à l’époque candidat à la primaire de la droite et du centre.

«C’est le seul qui a compris qu’il fallait désétatiser le pays et laisser la société civile prendre en charge l’économie», a-t-il expliqué, tout en reconnaissant à Nathalie Kosciusko-Morizet et à Emmanuel Macron une connaissance de l’économie exceptionnelle pour des politiques.

Entre adultes

Revenant sur le quinquennat de François Hollande, Stanislas de Bentzmann a déclaré : «Le bienfait de ce quinquennat, c’est que les socialistes libéraux au pouvoir ont cessé de prendre l’entreprise en otage de la lutte de classes. Ils ont ringardisé la droite étatiste, qui n’avait que peu libéralisé l’économie».

Et, s’il reconnaît à Manuel Valls d’avoir marqué une rupture salutaire après le choc fiscal et réglementaire du début du quinquennat, il se moque un peu de certains de ses propos : «J’ai trouvé ridicule les  »déclarations d’amour » du Premier ministre. Nous souhaitons des relations d’adultes, professionnelles et respectueuses».

Un charme si discret

Difficile de trouver le moindre détail croustillant sur la vie privée de cet héritier d’une famille de la noblesse française.

Tout au plus peut-on découvrir qu’il aurait aimé être pilote de chasse, qu’il est père de 3 enfants et membre du Jockey Club, ce cercle très privé dont 90% des membres appartiennent à l’aristocratie. Seule originalité, le chef d’entreprise est ceinture noire de judo, un art qui prône «le minimum d’énergie pour un maximum de résultats». Une devise parfaite pour un entrepreneur.

Retour à l’école

Et juillet prochain, le patron de Devoteam deviendra le président de l’école de management Kedge Business School, succédant à François Pierson, ex-PDG d’Axa France.

Kedge compte 12.000 étudiants et 196 professeurs permanents sur ses campus de Talence (à côté de Bordeaux), Marseille, Toulon, Paris, mais aussi Shanghai et Suzhou en Chine, sans compter 4 campus associés (Avignon, Bastia, Bayonne et Dakar). L’école est gérée comme une association à but non lucratif et dirigée par un conseil d’administration bénévole.

Destruction créatrice

Lorsqu’on lui demande quelle personnalité l’inspire, il répond Joseph Schumpeter, un choix qui n’a rien d’étonnant pour un créateur d’entreprise qui a bâti son succès d’abord sur la dérégulation des télécoms puis sur la transformation numérique.

Mais il ne peut s’empêcher d’ajouter que «la destruction créatrice est le concept économique que nos technocrates n’ont pas compris», ni de rappeler que «quand on voit les patrimoines des ministres… il n’y en a pas un seul qui investit dans une entreprise ! C’est très symptomatique pour des entrepreneurs de voir que l’élite du pays n’investit pas dans l’entreprise». Ce qui n’est pas faux.

Paradoxe humaniste

Si Stanislas de Bentzmann plaide pour un allègement des procédures de licenciement, c’est aussi un fervent défenseur de l’actionnariat salarié. Pour lui, le meilleur souvenir de sa vie professionnelle reste «la standing ovation de mes équipes après l’introduction en Bourse de la société en 1999» et son pire cauchemar, «le moment très délicat où l’on est parfois obligé de se séparer de certains collaborateurs». La société prévoit de recruter plus de 700 nouveaux salariés en 2017.

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