Quel est le parcours privé et professionnel qui vous a mené à cofonder Diversidays en 2017 ?
Anthony Babkine. Je suis un pur produit de banlieue, j’ai grandi sur un territoire extrêmement jeune, Evry-Courcouronnes, doté d’une forte diversité de talents et d’une majorité de personnes issues des classes moyennes ou populaires. Les personnes concernées par des programmes d’accompagnement à l’entrepreneuriat hésitent à contacter les organismes spécialisés. Encore aujourd’hui, l’information ne passe pas le périphérique. Cette barrière est invisible, mais bien réelle. Plus jeune, l’école n’a pas été une période facile, mais soutenu par mon entourage et des associations locales, j’ai pu rejoindre l’Institut Mines-Télécom Business School à Évry.
J’ai intégré son incubateur pour y cocreéer ma société à l’âge de 20 ans. J’ai immédiatement été confronté à trois grands freins. D’abord, le manque de réseau. Puis, l’immense difficulté à se faire financer, sans love money (financement par la famille ou des amis), cela va moins vite ! Ensuite, le doute de confiance en soi, dû au manque de maîtrise des codes. Mounira Hamdi et moi nous étions rencontrés pendant nos études.
Dans un second temps, nous avions fait le constat dans notre univers professionnel de l’absence de diversité en tout genre. Quelques années plus tard, nous avons décidé de créer Diversidays pour aider les personnes sous-représentées dans la Tech à prendre leur place. Aujourd’hui, notre famille est riche de 500 entrepreneurs de la Tech passés par nos dispositifs, sans oublier les centaines de partenaires et bénévoles partout en France.
Comment agit Diversidays pour favoriser la diversité dans le secteur du numérique ?
Notre programme historique est le « Leadership programme ». Notre mission est de renforcer la posture entrepreneuriale pour former de futurs leaders. Le cursus dure 120 heures, avec des formations sur l’estime de soi, la maîtrise orale, du pitch à la négociation. Des entrepreneurs à succès interviennent régulièrement en soutien du programme, tels que Paul Lê (La Belle Vie) ou Fariha Shah (ex-GoldenBees). Nous avons également développé le programme « DéClics numériques » qui vise à venir en soutien aux personnes en reconversion professionnelle dans le numérique.
Les participants ont envie de franchir le pas, mais ne disposent pas suffisamment d’informations sur les 800 postes des métiers du numérique. Après une quarantaine d’heures, en présentiel ou à distance, elles cernent mieux leur projet. À date, nous avons accompagné 13 000 personnes sur les trois dernières années, dont 40 % ont repris un cursus de formation numérique, avec une amélioration très réelle sur l’emploi durable.
Notre troisième programme, « Tech Your Place », imaginé avec la fondation Mozaïk, a pour ambition de parvenir à ce que les entreprises de la Tech soient plus à l’image de notre société. En effet, seulement une entreprise de la Tech sur dix a mis en place une politique d’inclusion, et moins de 1 % de la masse salariale Tech est en situation de handicap alors que la moyenne est à 3,5 % pour une obligation légale de 6 %. Très peu est fait pour les seniors, la plupart des efforts portent sur la parité. Les adhérents à Tech Your Place s’engagent à promouvoir l’inclusion, nous les formons sur le sujet, leur présentons des dispositifs tels que Mozaïk Talent, l’Autre Cercle, et sensibilisons les jeunes managers aux biais, préjugés ou préjugés discriminatoires qu’ils peuvent avoir parfois involontairement.
Quels sont les grands projets de Diversidays ?
L’année 2025 est celle des grands défis. Nous allons organiser pour la première fois en France « UNIQUES », le grand rendez-vous de l’égalité des chances et des luttes contre les discriminations. Je rêve que cet événement devienne un équivalent des « Enfoirés en faveur de l’égalité des Chances », que les Français prennent conscience que cette égalité n’est pas qu’une belle idée, que des gens et structures travaillent dans cet objectif, et que le bénévole offre son temps libre au soutien du grand groupe.
Notre deuxième grand enjeu est de collaborer avec la French Tech pour faire émerger un pacte sur la diversité et l’inclusion à l’instar du Pacte Parité. Tech Your Place en sera, je l’espère, la rampe de lancement. Troisième étape, créer un programme transatlantique entre France et États-Unis afin de faciliter l’ancrage d’entrepreneurs dans ces deux pays.
Quel message souhaitez-vous transmettre à celles et ceux qui souhaitent s’engager pour la diversité et l’inclusion ?
Je crois profondément en la force du collectif, les organisations doivent travailler ensemble et les entreprises s’engager le plus concrètement possible. Je tiens à remercier tous ceux et celles qui offrent leur temps précieux à la cause de la diversité et de l’inclusion en France. Et j’invite toutes les personnes qui le souhaitent à frapper à nos portes.