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Stéphane Boujnah (Euronext) : « Pour financer la croissance et l’innovation, le capital reste la ressource de long terme unique »


Le directeur général d'Euronext rappelle le rôle essentiel de la Bourse dans le financement des entreprises et revient sur les perspectives de la place de Paris dans le contexte du Brexit.

Le directeur général d’Euronext rappelle le rôle essentiel de la Bourse dans le financement des entreprises et revient sur les perspectives de la place de Paris dans le contexte du Brexit.

 Quel est le rôle de la Bourse dans l’économie ?

Stéphane Boujnah : La Bourse, c’est la maison commune de la croissance, une infrastructure centrale pour toute ambition économique collective. C’est l’endroit où se fabriquent les prix et la liquidité, où l’épargne en quête de rendement rencontre les besoins de financement des projets risqués des entreprises.

La conjoncture de taux très bas peut en effet faire croire que tout peut être financé par la dette, mais c’est une illusion. Pour le financement des projets de long terme de l’économie réelle, pour financer la croissance et l’innovation, le capital reste la ressource unique. La Bourse est un écosystème entre les investisseurs et les émetteurs et notre rôle est de le faire fonctionner dans un environnement transparent, efficace et sécurisé. Certains opérateurs boursiers se sont éloignés de ce métier au cœur de l’économie réelle, mais nous ne croyons pas aux Bourses «hors sol».

 Paris est-elle armée pour devenir une place majeure du financement ?

SB : Dès lors que le Royaume-Uni a décidé de rompre avec le projet européen, Londres n’a plus vocation à être le centre financier offshore de l’Europe. La City, qui n’a qu’une trentaine d’années telle qu’on la connaît aujourd’hui, s’est construite avec des forces intrinsèques évidentes, mais c’est le marché unique européen qui lui a donné sa position actuelle.

D’autres places en Europe, notamment Amsterdam et Paris, peuvent décider de redevenir de grands centres financiers mondiaux. Paris a des atouts que nous sous-estimons. Le nombre d’entreprises mondiales concentrées à Paris est unique en Europe. Au sein de l’Europe continentale, nous avons le réservoir de talents et d’expertise financière le plus profond.

Nous avons, comme à Amsterdam, les infrastructures de connexion avec le reste du monde les plus performantes ; les banques et les compagnies d’assurances les plus puissantes. Nous avons aussi des handicaps, notamment sur le plan fiscal. Ce qui compte, c’est la volonté commune d’être attractif et de créer un front uni. Les grandes places financières, comme les grands pays, le sont pour l’avoir voulu et pour s’être rassemblées.

 L’année 2016 a vu peu d’introductions. La tendance peut-elle s’inverser ?

SB : Il y a en France de nombreux candidats à la cotation : des sociétés technologiques, dont le nombre explose dans le cadre de la French Tech, à l’image de BlaBlaCar et de Sigfox, mais aussi des entreprises familiales qui envisagent la Bourse comme une solution possible à leurs problèmes de transmission.

Le coût total de cotation, y compris les honoraires des conseils et des banques introductrices, est très inférieur sur nos marchés au coût total sur d’autres Bourses, comme le Nasdaq par exemple. Et puis, à bien des égards, la réglementation en vigueur sur les différents marchés d’Euronext est plus souple que sur les marchés américains. Nous avons un besoin urgent d’orienter à nouveau l’épargne vers les fonds propres des entreprises.

Il faut ensuite renforcer les capacités d’analyse et de recherche portant sur la performance des sociétés, grandes et moyennes, de la zone euro. Car, si les trackers, les dérivés ou les indices sont essentiels pour alimenter la liquidité des marchés, ils ne peuvent pas remplacer entièrement les gestions reposant sur l’étude de la performance fondamentale des entreprises.

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