A 39 ans, visage poupin et sourire collé aux lèvres, celui qui nous reçoit dans ses bureaux flambants neufs de Levallois, réplique du café de la série Friends, a mis du temps à trouver le chemin du succès.
Élève moyen qui a validé son BBA de l’ESSEC avec 10/20, comme s’amuse à le lui répéter son père encore aujourd’hui, Stéphane cherche à se frayer un chemin dans l’entrepreneuriat depuis son plus jeune âge, et c’est lors de son master à l’ESCP, qu’il pense avoir “la bonne idée”, en lançant Staaff, une marketplace de services à domicile. Même si ce premier pari sera un échec commercial, ses talents d’orateur lui permettront tout de même de devenir lauréat de la BFM Académie en 2008. Son professeur, Daniel Rouach de l’ESCP, se souvient à l’époque de l’élève “qui avait mille idées à la seconde”.
Ne pouvant pas se rémunérer lors de cette première création d’entreprise, Stéphane donne des cours particuliers, notamment aux enfants du producteur Albert Cohen qui lui demandent un jour de faire tout simplement les devoirs à leur place, ce qu’il avoue avec un peu de gêne avoir fait sans trop se poser de questions. Sur le pas de la porte, il se dit que si “tous les enfants pensent comme eux”, il tient là quelque chose, et lance quelques semaines plus tard le site web polémique FaisMesDevoirs.com. Tant pis si cela suscite quelques moqueries, et le place à « contre-courant » de l’entrepreneuriat traditionnel, lui s’en amuse et rétorque que “seuls les poissons morts nagent avec le courant”.
Grâce à la résonance médiatique provoquée par Valérie Pécresse et Nadine Morano, à l’époque au Gouvernement, qui appellent publiquement au boycott du site, FaisMesDevoirs connaît une ascension fulgurante, et une chute presqu’aussi rapide. Ce sera au final 1 million de visiteurs et 20 000 commandes passées, mais sous la pression des pouvoirs publics, le site devra fermer boutique quelques heures après l’ouverture et rembourser l’ensemble de ses clients. Grâce à ce coup d’éclat médiatique, Stéphane se fait repérer par Jean-Baptiste Descroix-Vernier, patron baba cool de Rentabiliweb (Dalenys), qui le parachute à des fonctions de direction de son groupe.
Quelques mois plus tard, en novembre 2009, Stéphane a la bonne (ou très mauvaise) idée de distribuer 100 000 Euros en petites coupures au pied de la Tour Eiffel pour faire la promotion de Mailorama, une des filiales du groupe de Descroix-Vernier. L’opération tourne au fiasco sur le terrain, mais aurait malgré tout permis de générer plus de “3 millions d’Euros de marge supplémentaires cette année-là ». Suite à la cohue dans les rues de Paris ce jour-là, une loi Boukris a même été votée (Loppsi II, volet III), qui interdit depuis la distribution d’argent sur la voie publique pour une opération marketing. Cette opération lui vaudra un bashing général, mais par la même occasion, la casquette de petit gars du buzz. Lorsqu’on parle de cette opération avec l’intéressé, on entrevoit un léger traumatisme, pour celui qui a été considéré comme l’ennemi public numéro 1, le temps “d’une semaine”.
Mis au placard “doré” par son patron, qui estime que même s’il est talentueux, il doit être “canalisé”, Stéphane, lance ensuite une billetterie de spectacles de dernière minute, 2HeuresAvant.com, avec le soutien d’un de ses mentors, Xavier Niel, en s’inspirant du kiosque de La Madeleine. L’affaire sera revendue quelques mois plus tard, après avoir été distinguée par la Fevad en 2010 comme meilleure innovation de l’année.
LA MUSIQUE & LES START-UPS
Il quitte la toile à ce moment-là, pour rejoindre un domaine qu’il affectionne beaucoup, et depuis toujours: la musique. C’est lors d’une rencontre avec Roberto Ciurleo, ancien directeur d’NRJ et la complicité de quelques autres camarades, qu’il lance la production de la comédie musicale Robin des Bois, avec Matt Pokora, qui connaîtra un succès honorable (850 000 spectateurs). Malheureusement, Stéphane est écarté quelques semaines avant la première par un de ses associés, ce qu’il raconte encore avec la gorge serrée: “c’est comme voir un de ses enfants grandir loin de soi”. Peu importe, le jeune homme est résilient, et passe à autre chose. Il semblerait même que chaque claque reçue le rende plus fort, et plus affranchi la fois d’après.
En 2012, il monte le fonds d’investissement de “media for equity” (publicité contre espace média), l’Express Ventures, en s’associant avec le groupe contrôlé aujourd’hui par Alain Weill, et semble prendre goût au métier de Business Angel avec ce premier véhicule où “50% des sociétés” sont encore en vie presque 10 ans plus tard, ce qui est assez rare.
DE LA FOLIE DANS LES SSII (ESN)
Après cet épisode, il s’associe avec deux amis d’enfance, Vincent Klingbeil et Patrick Bunan, et créée Ametix, une SSII 2.0, en y ajoutant sa patte: des clips vidéos atypiques avec Arielle Dombasle et Jean-Claude Van Damme, des opérations de buzz marketing originales, et le concours du meilleur Développeur de France. Ce hackathon géant qui rassemble 10 000 personnes et qui deviendra vite le rendez-vous incontournable des start-ups et du CAC 40, va même jusqu’à taper dans l’œil de l’ancien Président des Etats-Unis, Bill Clinton, qui le fait venir à New York, sur les conseils de Philippe Douste-Blazy pour imaginer une version du concours aux US. Le concours qui existe toujours, a été renommé Master Dev France pour son édition 2023 Porte de Versailles.
Stéphane et ses deux acolytes vendent Ametix à Docaposte (La Poste) en 2017, et même s’il reste pour une fois silencieux, lorsqu’on lui parle du montant de la transaction, il nous confirme qu’il s’agit d’un vrai exit (“revente” dans le langage des start-ups). En intégrant le Groupe La Poste, Stéphane devient alors postier et rappelle fièrement qu’à ce titre, il prêta serment devant Bruno Le Maire, pour la confidentialité des données.
Pour ce marin amateur qui aime sillonner la Seine toutes les semaines, l’heure a sonné en 2019 de reprendre le large et rappelle que “les bateaux n’ont pas été conçus pour rester au port”. Il décide donc de démissionner pour lancer Excelsior, toujours dans les services du numérique. Entouré par un board aussi prestigieux qu’hétéroclite avec des personnalités telles que l’acteur Christophe Lambert ou le fondateur de VLC, Jean-Baptiste Kempf, Stéphane repart (faussement) de zéro puisqu’il dispose cette fois-ci de réseaux, d’une excellente connaissance du secteur, et d’une surface financière plus importante qu’à ses débuts.
L’activité, d’ores et déjà en hyper croissance, a selon son créateur réalisé 10 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, et prévoit de doubler ce chiffre en 2023, tout en souhaitant avancer avec “humilité et détermination”. Pour témoigner de sa gratitude, il a fait ériger un mur dans ses bureaux loufoques de Levallois, un “mur de la reconnaissance” où on aperçoit tous ceux qui lui ont donné un coup de pouce depuis le début de l’aventure Excelsior, mélangés aux super-héros de la franchise Marvel.
Excelsior, se positionne comme le leader du Métavers, en accompagnant des entreprises comme AXA, Crédit Agricole ou la Matmut; et Stéphane Boukris en a profité pour rédiger un ouvrage de référence sur le sujet sorti en février 2023 : “Le Petit Métavers” (Dunod).
En mars 2023, Excelsior est racheté par l’écosystème Alan Allman Associates pour plusieurs millions d’euros. Le groupe côté en bourse y voit une corde supplémentaire à son arc à destination de son département digital fraichement créée. Jean-Marie Thual, Président du Groupe, et Stéphane nouent une relation exceptionnelle à tel point qu’Excelsior aurait refusé une demi-douzaine d’offres afin de concrétiser avec Alan Allman Associates.
En parallèle de sa vie d’entrepreneur, Stéphane est un homme de réseaux. Protégé d’Alain Minc, il consultait également Bernard Tapie “au moins une fois par mois” à partir de 2016 et jusqu’à sa mort fin 2021 ; et pas seulement sur des sujets liés aux affaires. “Bernard avait beaucoup de succès, mais le plus beau d’entre eux, c’était l’unité familiale qu’il avait su préserver malgré toutes ses épreuves.” souligne Stéphane.
A côté de sa vie d’entrepreneur, il continue d’être investisseur, dans plus d’une cinquantaine de start-ups, en direct, ou via le fonds SIDE Capital de Renaud Guillerm dont il est Partner. S’il y en a une qui l’aime particulièrement citer, c’est Didomi, l’entreprise leader dans la gestion du consentement, qui a clôturé une série B à l’été 2021, a été cofondée par son petit frère Raphaël, âgé de tout juste 32 ans. Stéphane aime apporter du “smart money”, c’est-à-dire des conseils, des mises en relation, des clients aux pépites qu’il accompagne.
SUITE ET FAIM
La suite, il la connaît… enfin il la rêve: c’est l’entertainment. Malgré un stage avorté chez Warner Bros quand il avait 20 ans, son passage furtif dans le domaine de la musique, Stéphane rêve en secret de relancer un jour un projet artistique, et c’est d’ailleurs ce qu’il sait le mieux apporter à toutes ses entreprises : un peu de magie !