Parti de rien, ce très secret entrepreneur considérant que son métier est d’être derrière la caméra, a bâti un solide empire et un véritable conglomérat dans les médias, les jeux en ligne ainsi que dans l’hôtellerie de luxe sans faire grand bruit mais aux résultats plutôt sonnants et trébuchants.
Retour sur une trajectoire aussi rare qu’atypique. Analyse d’un parcours hors norme et d’une personnalité dotée d’une incroyable détermination, d’une rage de vaincre, au service d’un opportunisme bien plus complexe qu’on pourrait le penser.
Stéphane Courbit, né en 1965 à Crest dans la Drome et grandit dans le village de Puy Saint Martin. Il est diplômé de l’IUT de Valence (DUT GEA) et de l’institut supérieur de gestion (ISG) de Paris, où il commence à se créer un réseau professionnel. Pour gagner sa vie, il fait de la comptabilité dans une petite agence de pub, où il rencontre Marie Genet qui était alors la compagne de Christophe Dechavanne. En apprenant cela, il lui confie qu’il rêve de travailler à la télévision et qu’il avait créé un jeu dans la publicité qu’il lui présente. Marie Genet intriguée puis sous le charme, insiste auprès de son compagnon, qui, le reçoit et l’engage dans la foulée.
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Séduit par son audace, sa créativité et son bagout. Il devient stagiaire chez Coyote Conseil, où il est chargé de développer les services Minitel et de réaliser quelques sujets où il apparaît quelquefois. Mais l’apprenti, se passionne plutôt pour la création de concepts d’émission qu’il griffonne sur un bout de papier. L’un d’entre eux : Parler d’argent de manière divertissante. L’idée était simple mais personne n’y avait pensé auparavant. Son projet se concrétisera avec « Combien ça coûte ? » présenté par Jean-Pierre Pernaut. La fusée est -définitivement- lancée, il devient donc producteur des émissions Combien ça coute ? Coucou c’est nous ! et La Première fois.
En 1994, il suggère à Dechavanne de s’associer dans une société à égalité du capital. Dechavanne refuse sèchement souhaitant plutôt imposer un deal à 51% 49 % le traitant même de prétentieux. Le duo se brouille et le « producteur » se tourne alors vers Arthur avec qui il fonde CASE Productions qui deviendra ASP (Arthur Stéphane Productions). Et prend tous les risques en repartant de zéro.
L’objectif du duo réinventer la façon de faire du business en télé. Il a l’idée de conserver la propriété des droits des concepts qu’ils créent. Ce qui est une première en France.
Il se tourne vers France Télévisions et Elkabbach à qui il vend deux concepts qui cartonnent :
-La Fureur de samedi Soir
-Les Enfants de la Télé
Deux ans plus tard, les dirigeants de la chaine publique sont accusés de dilapider l’argent des contribuables en payant des ponts d’or aux animateurs vedettes (et à leurs sociétés de production). Elkabbach est contraint à la démission, Stéphane Courbit et Arthur deviennent indésirables à France 2. Ils se tournent alors vers TF1 avec leurs programmes sous le bras qui les accueille avec enthousiasme pour reconstruire leur case « divertissement ». Chaque prime est facturé 600 000 euros (35 par an) plus une quotidienne sur la première chaine européenne.
Avec TF1, Stéphane Courbit est présent partout : mise en œuvre du programme, choix de l’animateur, choix des décors, des lumières, du son, le contenu éditorial. Il parvient à tout marier : créativité, sens de l’entreprise, gout du public et équilibre financier. Hyper polyvalent et pressé de monter les marches du succès.
Il y produira : Les Enfants de la télé, Le Bigdil et à l’élection annuelle de Miss France.
Endemol est une entreprise néerlandaise spécialisée dans la télé-réalité avec son émission phare « Big Brother ». La réussite du duo tape dans l’œil du milliardaire Jon de Maul, pape de la télé-réalité qui n’arrive pas à imposer son concept sur le marché français qui le juge trop vulgaire. Ce dernier rachète ASP en 1998 et nomme Stéphane Courbit P-DG d’Endemol France. TF1 plutôt réticente et très conservatrice craint le scandale. Pragmatiques, ils vendent le concept à M6. En avril 2001, Endemol France produit Lotf Story qui explose littéralement toutes les audiences. Et devient de « pape du PAF et le grand vainqueur financier du « Lotf » en misant avant tout le monde sur la télé-réalité.
La direction de TF1, déstabilisée, accepte dans la foulée de payer au prix fort un contrat d’exclusivité avec lui. C’est le début de la fortune et les succès vont s’enchainer au début des années 2000 : Star Academy, La Ferme Célébrités, Secret Story…
En 2000, il vend à Endemol la boîte de production qu’il a créé avec Arthur, selon un système d’earn out : c’est-à-dire qu’une partie du prix est indexée sur les résultats futurs de l’entreprise, que le binôme continue de diriger. Mais aucun plafond n’avait été défini et les gains liés aux opérations de croissance externe étaient aussi intégrés aux calculs. En plus d’un développement interne considérable, le stratège rachète donc des boîtes dynamiques (Marc Olivier Fogiel, Karl Zéro, Vincent Lagaf’ , Geneviève de Fontenay) et fait s’envoler la valorisation globale de l’entreprise… In fine il recevra un chèque de plus de 240 millions d’euros de plus-values avant même ses 40 ans.
Avec ce « trésor de guerre », il a maintenant les moyens de ses ambitions. Il tente de racheter Endemol lorsque sa maison-mère-Telefonica-la met en vente. Mais c’est l’italien Mediaset qui rafle finalement la mise, néanmoins, comme rien ne se perd cette expérience lui permet de nouer des contacts auprès de : Bernard Arnault (LVMH), Jacques Veyrat (Neuf Cegetel) et Vincent Bolloré (Vivendi).
Impossible donc de racheter Endemol, pas de problème ces centaines de millions lui permettront finalement de lancer sa structure spécialisée en production audiovisuelle : Banijay.
C’est une holding internationale contrôlant diverses entreprises de production et de distribution de contenus pour la télévision et les plateformes. Créé en janvier 2008 par Courbit aux côtés de partenaires industriels (Groupe Arnault, AMS Industries et les familles Agnelli et De Agostini). Elle regroupe une dizaine de sociétés : Air Productions (acquise en octobre 2008 appartenant à Nagui), Banijay Productions – ex ALJ- (Alexia Laroche-Joubert), H20 (Cyril Hanouna) en France. Nagui et Hanouna représentant de véritables cash-machines pour Courbit qui le leur rend bien en leur laissant une autonomie totale, en préservant leur ego pour éviter les tensions et les rémunérant généreusement. Il a aussi racheté leurs sociétés de production à bon prix. Nagui a investi 20 millions d’euros (pour détenir 5,3% de Banijay Group) et Hanouna 15 millions pour prendre des parts dans le groupe Banijay. Les bons comptes, et les renvois d’ascenseurs faisant les -très-bons amis.
La holding regroupe aussi Cuarzo en Espagne, Brainpool en Allemagne, Nordisk dans les pays nordiques, Bunim/Murray aux États-Unis, Screentime en Australie. Le groupe est également présent dans plus de 20 pays dont l’Italie, la Belgique, les Pays Bas, le Royaume Uni , la Suède, le Danemark, la Norvège, la Finlande et la Pologne ainsi qu’aux États-Unis, la Russie, l’Inde, l’Australie et Nouvelle-Zélande.
Parallèlement en 2007, il investit dans Euro Media Group, leader européen dans la fourniture de prestations techniques audiovisuelles qui détient les studios de télévision de La Plaine St Denis via Studios de France.
Sa société Banijay s’impose comme un mastodonte de la production audiovisuelle en contrôlant une dizaine de sociétés de productions appartenant et avec une internationalisation accélérée et massive de ses activités avec l’idée et la stratégie d’être le leader.
Sans abandonner l’activité à laquelle il doit sa fortune, il devient un investisseur avisé et averti en se positionnant à l’avant-garde et place sa fortune sur des secteurs en pleine dérégulation tels que : les jeux en ligne (avec Betclic) et la distribution d’électricité et l’énergie (avec Direct Energie).
Fin 2007, il devance donc de trois ans la libéralisation des paris sportifs en ligne pour racheter BetClic.com, société britannique de jeux d’argent en ligne. Il crée Mangas Capital Gaming, renommé par la suite BetClic Everest Group, qui fait l’acquisition de 5 sociétés dans le domaine des paris sportifs, jeux de poker et casino en ligne : Betclic en 2007, Expekt et Bet-At-Home en 2009, Everest en 2010 et Monte-Carlo en 2015. En utilisant la holding Manga Capital, où Bernard Arnault et la famille Agnelli prennent des parts.
Il investit au sein de l’opérateur alternatif et premier fournisseur indépendant d’électricité et de gaz en France après sa fusion avec Powéo en 2012 : Direct Energie. Dont il a été actionnaire aux côtés de Jacques Veyrat, Jean-Paul Bize, EBM, Luxempart et Ecofin et jusqu’à son rachat par Total en 2018. Les 5,5% qu’il détient sont valorisés à 100 millions qu’il empoche lors de cette transaction.
Fin 2007, Stéphane Courbit vend ses parts et quitte la direction d’Endemol France pour créer sa propre holding LOV Group (correspondant à l’acronyme des prénoms de ses trois enfants). Il est l’unique actionnaire de cette nouvelle holding qui s’est développée autour de cinq activités principales :
1-La Production Audiovisuelle (Banijay)
2-Jeux en Ligne (Betclic)
3-Hôtellerie de Luxe (Les Airelles, etc…)
4. Haute Pâtisserie Française et Chocolatier de Haute Gourmandise (Ladurée et la Maison Fouquet)
5. Le Château D’Estoublon (Grands Vins avec 17 hectares de vigne conduits en agriculture biologique et la production d’Huiles d’Olive avec 120 hectares d’oliviers).
6-Energie (activité abandonnée car revendue à Total en 2018)
Très audacieux et il prêt à jouer gros dès lors qu’il comprend le business. En somme, Il sait quand quitter la peau du lion pour prendre celle du renard.
La société de paris en ligne BetCLic Everest Group, le label communautaire musical My Major Company en 2009…il investit à tour de bras, tout en gardant un œil -plus qu’attentif-sur l’audiovisuel avec Banijay.
Il engage son propre argent avec un appétit féroce de le rentabiliser. A la fois pragmatique et efficient, il ne se laisse jamais distraire par les détails, ce qui lui permet d’aller très vite. Plus vite que la concurrence.
Il investit dans l’hôtellerie de luxe ainsi que la restauration via LOV Hôtel Collection, qui possède plusieurs établissements à Courchevel (l’hôtel Les Airelles, racheté en 2007).
LOV Group est rejoint par la Société des bains de mer de Monaco en 2009.
A titre personnel que sa société de portefeuille Financière LOV est entrée au capital de Rentabiliweb. Comme d’habitude dans la plus grande discrétion.
En 2009, Banijay acquiert 51 % du capital de Cuarzo producciones , entre à hauteur de 50 % dans le capital de l’Allemand Brainpool et rachète Nordisk Film TV Denmark
Il détient également une participation dans Le Five, le premier groupe de foot en salles en France.
Il est actionnaire du projet Big Mamma, une chaîne de trattorias parisiennes fondée par l’ex-directeur général de My Major Company et par un ancien collaborateur de LOV Hotel Collection.
En mars 2010, Banijay rachète la société de production américaine Bunim Murray pour un montant non-précisé.
Le chemin du succès n’étant pas un long fleuve tranquille, en 2010, il doit renoncer à racheter la régie publicitaire de France Télévisions. Associé à Publicis, sa holding échoue. Cette opération suscitant une levée de boucliers de politiques, de publicitaires, d’auteurs, de syndicats arguant de difficultés « déontologiques« . Devant un possible conflit d’intérêt, l’affaire échoue.
Sa maison est à Neuilly-sur-Seine, son bureau est dans le VIIIe arrondissement de Paris, et un yacht flambant neuf Yogi, sorti un an plus tôt d’un chantier naval turc et payé cher a sombré en 2012, en mer Égée, au large de l’île de Skyros.
En septembre 2012, Banijay acquiert la majorité du capital de l’australien Screentime. La même année, la chaîne Non-Stop People et H2O Productions font leur entrée dans le groupe
En 2013, il envisage une entrée en bourse de Banijay. Ambra Multimedia et DLO Producciones rejoignent le groupe. L’année suivante le groupe lance Banijay Studios North America
En 2013, Stéphane Courbit est cité dans l’affaire Bettencourt. L’avocat Pascal Wilhelm, également mandataire financier de l’héritière, lui recommande d’investir 143 millions d’euros pour prendre 20 % du groupe de Stéphane Courbit. Concrétisé par une prise de participation dans sa société LG Industrie en 2011. Ce qui lui valut un retentissant procès pour « abus de faiblesse », sa fille, Françoise Bettencourt-Meyers, ayant saisit le juge des tutelles en juin 2013. Il écopera d’une amende de 250.000 euros en 2015, même s’il avait remboursé cette somme (sur fonds qataris) juste avant la tenue du procès. Cela ne l’empêchera pas d’aboutir et à la peine de se prononcer.
Il investit dans l’hôtel Aman Melezin en 2013 et le restaurant Le Chalet de Pierres, à Saint Tropez (Le Château de La Messardière et Le Pan Dei Palais) et à Gordes (La Bastide de Gordes, acquise début 2014).
En 2015, Stephen David Entertainment rejoint le groupe, et la chaîne Non Stop People est lancée en Espagne. En juillet 2015, Banijay et Zodiak Media annoncent leur fusion et donnent naissance au premier producteur indépendant de contenus au monde avec un chiffre d’affaires s’élevant à près d’un milliard d’euros Son catalogue, dont la distribution internationale est assurée par Banijay Rights, compte plus de 120 000 heures de programmes, tous genres confondus. De Touche pas à mon poste ! à Koh-Lanta en passant par Fort Boyard, il produit plus d’une centaine d’émissions. L’actionnariat du groupe est le suivant : LOV Banijay (50,1 % LOV Group, 49,9 % De Agostini Group).
À l’occasion de cette fusion, sont sortis du capital les actionnaires minoritaires de Banijay: le groupe Arnault (17,1%), la famille Agnelli (17,1%) et Jean-Paul Bize (14%). Ces minoritaires étaient rentrés en 2008, mais Stéphane Courbit leur avait promis qu’ils pourraient sortir en 2015 en réalisant une très bonne affaire : rentrés sur une valorisation de 206 millions d’euros, ils sont ressortis sur une valorisation de plus 380 millions.
La stratégie à venir est la suivante : se développer en Allemagne, Espagne, dans certains pays émergents (Pologne, Inde…), dans la fiction (pour passer de 11% à 20% du chiffre d’affaires à moyen terme), dans la vente de formats appartenant à des tiers (distribution)… Mais aussi poursuivre les acquisitions de sociétés, en étant prêt à payer 6 à 8 fois leur bénéfice opérationnel. Des négociations avancées étaient en cours pour le rachat de la société de Christophe Dechavanne.
Banijay Zodiak n’est pas le fruit d’une fusion entre égaux. Banijay, la société d’origine de Stéphane Courbit, avait un chiffre d’affaires plus petit, mais était rentable et en croissance. Tandis que Zodiak, propriété de l’italien De Agostini, était déficitaire et voyait son chiffre d’affaires chuter. Résultat : lors de la fusion entre les deux en 2015, Banijay a été valorisé 350 millions d’euros, et Zodiak seulement 44,6 millions d’euros (après que De Agostini a réinjecté 40 millions d’euros). Et le nouvel ensemble a été valorisé 382 millions d’euros.
D’autres sociétés rejoignent le groupe, dont 7Wonder, Castaway Television Productions. Par ailleurs, de nouvelles filiales sont créées, telles Banijay Studios France, Banijay Productions Germany, Banijay Studios Italy, ou encore Banijay Asia
En 2016, Stéphane Courbit a touché, via sa société Financière Lov, pas moins de 4,5 millions d’euros de salaires. Les actionnaires et lui-même ne touchent pas de dividendes, car Banijay n’en a jamais distribué, et entend poursuivre ainsi.
Canal Plus est son principal client. En 2016, elle et ses filiales D8 et D17 lui a commandé pour 70 millions d’euros de programmes, essentiellement les émissions produites par Cyril Hanouna. Le groupe Canal Plus représente donc 39% du chiffre d’affaires réalisé en France. Le propriétaire de Canal Plus, Vivendi, est aussi un des principaux actionnaires de Banijay Zodiak. L’autre grand client français est France Télévisions, avec 60 millions d’euros de commandes (Fort Boyard et surtout les émissions de Nagui), soit 35% des revenus français de la société.
Le talon d’Achille de Banijay tient dans sa très forte dépendance à ses clients diffuseurs. ll n’a pas le contrôle sur leurs décisions et peut -parfois- investir dans un programme qui n’est pas renouvelé et se retrouver sans atteindre le chiffre d’affaires ou les marges prévues. De plus, il dépend également beaucoup trop des animateurs. Toutefois la rentabilité de Banijay Zodiak est bonne : avec 12% de marge brute d’exploitation en 2016. Soit une marge supérieure à celle de bien des chaînes de télévision.
En 2017, Nagui achète pour 20 millions d’euros d’actions, il détient alors 5,3 % du capital de Banijay Group, ce qui en fait le 4e actionnaire, derrière Stéphane Courbit (31 %), De Agostini (30,9 %) et Vivendi (28,3 %).
En juin 2017, Stéphane Courbit a dû se faire violence en levant des fonds sous forme d’obligations, cotées à la bourse de Guernesey. Pour cela, il a dû convaincre des investisseurs, via un road show en levant le voile sur les résultats financiers de son groupe. En fournissant un épais document de 515 pages contenant les comptes de Banijay Zodiak.
La demande a été plus de cinq fois supérieure à l’offre. Ainsi il a pu lever plus de fonds que prévu : 365 au lieu de 350 millions. Il paiera un taux d’intérêt modeste de 4% bien que Banijay Zodiak soit classé B+. Cet argent frais a servi à rembourser une partie des 100 millions empruntés en 2016 à Vivendi sous forme d’obligations, et, a permis le rachat du britannique Castaway pour 57 millions d’euros. Cet emprunt obligataire a été réduit à 25 millions à 3 % par an, remboursable en actions Banijay Zodiak en 2023 ou avant en cash si Banijay le souhaite. Simultanément Vivendi a réinjecté 40 millions d’euros au capital. Ce pacte d’actionnaires prévoit la possibilité d’une introduction en Bourse.
Il ouvre un hôtel de luxe dans un lieu prestigieux : l’enceinte du château de Versailles. Un appel d’offres qu’il a remporté, associé à Alain Ducasse, en 2016.
En janvier 2018, Banijay entre dans le capital de l’agence Shauna Events, le leader européen des e-influenceurs qu’il rachète à travers sa société holding Banijay et en est sorti récemment avec les scandales à répétition du dropshipping et aux arnaques liées au CPF notamment.
En 2019, il rachète Endemol Shine à Disney et au fonds Apollo.
Les deux propriétaires d’EndemolShine, The Walt Disney Company et le fonds Apollo, cherchaient à céder l’entreprise depuis dix-huit mois. Stéphane Courbit s’y intéresse depuis la mise en vente. Tenace, il a réussi à faire baisser le prix de départ, qui était d’environ 3 milliards d’euros, quand beaucoup de candidats ont jeté l’éponge. «La combinaison des ressources des deux compagnies renforcera immédiatement notre position sur le marché global», se félicite Marco Bassetti, le dirigeant de Banijay. Tout l’enjeu stratégique est là : Créer un mastodonte suffisamment grand pour peser face aux nouveaux géants du secteur, notamment les plateformes comme Netflix. Les grands médias internationaux, qui se voient de plus en plus comme des télévisions mondiales, sont engagés dans une véritable course à l’armement.
Stéphane Courbit fait partie des acteurs incontournables. En étant majoritaire au capital du nouveau super-acteur de la production, est accompagné dans le deal par deux milliardaires français. Le Vincent Bolloré (Actionnaire via Vivendi), et, Marc Ladreit de Lacharrière (dont la société d’investissement Fimalac possédera 8% de LOV, la société personnelle de Courbit, et 12% d’un holding détenant la combinaison de Banijay et EndemolShine. Le reste des parts reviendra au groupe italien De Agostini.
Le 26 octobre 2019, Banijay annonce l’acquisition de son homologue néerlandais Endemol Shine Group, producteur de séries à succès comme Black Mirror ou de nombreuses émissions de téléréalité et de jeux. Ce rachat de deux milliards d’euros, va former un groupe leader mondial qui dégagera un chiffre d’affaires d’environ trois milliards d’euros, plus de 66 000 heures de programmes, avec 200 entreprises dans 23 pays sur trois continents. Mais il ne représente que quelques pourcents d’un marché très fragmenté et alimenté par des géants américains du streaming vidéo (Netflix, Amazon, Disney, Paramount, HBO Max, etc.) qui, selon les données compilées par Morgan Stanley, vont dépenser plus de 100 milliards de dollars en production audiovisuelle et cinématographique cette année.
Le rachat d’Endemol Shine est un énorme pari. Financier, d’abord, car le géant des programmes accuse 1,2 milliard d’euros de dettes. Et stratégique : « L’essor des plateformes de streaming, de Netflix à Apple en passant par Disney, favorise la fiction aux dépens des programmes de flux. Le nouveau groupe mise plutôt sur les seconds. » Son business reposant sur deux piliers, les propriétés intellectuelles et les talents. Avec un acteur d’envergure, vous avez les meilleurs talents et les meilleures franchises. Devenir un acteur de poids n’est pas un choix mais une obligation ». En juillet 2020, Banijay finalise son acquisition d’Endemol.
Racheter Endemol ? Un vieux rêve de Stéphane Courbit qui a bien failli ne jamais aboutir. Mi-2019, les négociations sont au point mort : ils exigent 2,35 milliards d’euros et Vivendi, juge le montant excessif. Mais Courbit a l’art de vendre ses idées et le projet était bon, mais pas à n’importe quel prix. Ferme : Bolloré ne donnera son « go ! » qu’à 2 milliards maxi… sans en préciser la devise Laissant le soin à Courbit et son banquier d’affaires Grégoire Chertok de conclure le deal à 2 milliards de dollars. Bien moins cher qu’en euros.
Depuis 2019, le groupe LVMH détient 17% de LOV Hôtel Collection.
En septembre 2020, Cyril Hanouna entre au conseil d’administration de Banijay.
Hors Endemol, son conglomérat est valorisé à 900 millions d’euros.
En mars 2021, LOV Group entre en négociations exclusives avec le groupe Holder (Les Boulangeries Paul) pour le rachat de la Maison Ladurée , dont il prend 80% des parts.
Le 1er juin 2021, un hôtel de luxe ouvre dans l’hôtel du Grand Contrôle, qui donne sur l’Orangerie du Château de Versailles.
En 2022, son patrimoine est estimé à 2,1 milliards d’euros. Ce qui le classe 56e fortune française. Banijay et Betclic rassemblés sous la bannière FL Entertainment atteint une valorisation boursière de 4,1 Milliards (bien supérieures à celles des groupes TF1 et M6 réunis à titre de comparaison) et un gain de 600 millions d’euros par rapport aux termes de la fusion.
Banijay et Betclic sont deux sociétés qui génèrent des cash-flows importants. Les principaux leviers de croissance de Betclic sont organiques, FL pourra utiliser les flux de trésorerie de ce dernier pour continuer de financer des acquisitions côté production audiovisuelle. Renforçant l’ensemble. Grâce à Betclic, le groupe est moins endetté que ne le serait Banijay seul. Betclic propose sur applications mobiles et en ligne une offre de paris sur 55 sports mais aussi des jeux de casino (blackjack, roulette…), des tournois de poker et des paris hippiques en ligne en France, et compte quelque 11 millions de joueurs. Le caractère établi de ces deux actifs et le soutien d’investisseurs parallèlement à la fusion avec le SPAC ont aidé à la réussite de l’opération dans un contexte de marché pas vraiment favorable.
Présidé par Stéphane Courbit et dirigé par Marco Bassetti, Banijay Group est détenu à 33,2 % par LOV Group (Financière LOV, contrôlée par Stéphane Courbit), à 30,9 % par De Agostini Group, à 32,9 % par Vivendi.
En 2022, il fait l’acquisition de l’hôtel de la Résidence du Roy, hôtel 4 étoiles situé rue François 1er dans le 1er arrondissement de Pariset du Haras du Quesnay, le haras de la famille Head, véritable bastion de l’élevage de pur-sangs en France.
FL Entertainment s’introduit à la bourse d’Amsterdam le 1er Juillet 2022 via un SPAC (Special Purpose Acquisition Company) intitulé Pegasus Entrepreneurs, lancé fin 2021 par la société de gestion Tikehau Capital et la Financière Agache (propriétaire des « Echos » via LVMH). Au total, FL Entertainment a levé 645 millions d’euros d’argent frais, y compris 250 millions provenant du holding de Stéphane Courbit, mais grâce aussi à un placement privé auprès d’investisseurs de long terme comme Exor (famille Agnelli) et Vivendi (déjà actionnaire de Banijay).
Opérant dans quatre pays (France, Portugal, Pologne et Italie), Betclic a généré un chiffre d’affaires de 741 millions d’euros l’an dernier, soit trois fois plus qu’en 2015. Quant à Banijay, s’est développée à coups de rachats (environ 25 depuis 2008).
Son ambition est de croître pour à la fois être un acteur majeur de la consolidation du secteur de la production télévisée et continuer à développer les paris sportifs dans un marché européen qui est en forte croissance.
Insatiable et toujours à la recherche de bons coups Stéphane Courbit est candidat au rachat d’Editis, le numéro deux français de l’édition (10/18, Bordas, Plon…), mis en vente par Vivendi. Qui cède cette filiale selon un schéma de « distribution-cotation », c’est-à-dire en vendant à un actionnaire de référence les 29,6 % détenus personnellement par Vincent Bolloré et en mettant en Bourse le reste du capital qui sera distribué aux actionnaires de Vivendi espérant convaincre les autorités chargées de la concurrence à la Commission européenne de le laisser acquérir Lagardère, la maison mère d’Hachette, le très rentable numéro trois mondial de l’édition.
Toutefois, ce proche de Bolloré risque d’être en conflit d’intérêts dans une telle opération puisque Vivendi détient 19,9 % de FL Entertainment, le groupe coté qui chapeaute Banijay et Betclic.
La Commission européenne a acté et a prolongé son délai de réflexion jusqu’au 23 mai 2023. Rien ne dit que les autorités antitrust ne préféreront pas une autre solution, comme la vente de 100 % du capital d’Editis. La Commission a aussi lancé une enquête publique sur la presse people (Paris Match, Gala et Voici), secteur où l’absorption de Lagardère par Vivendi peut aussi poser des problèmes de concurrence.
Banijay monte en puissance au Brésil. Le géant français de la production audiovisuelle se développe en Amérique latine avec l’acquisition d’une des premières maisons de fiction du pays avec une participation majoritaire dans A Fabrica, société de production basée à Rio de Janeiro – notamment derrière le feuilleton « Vai que Cola », diffusé sur les chaînes Multishow et Globo. En plus d’avoir du succès dans leur pays, peuvent voyager à l’international grâce aux plateformes. A Fabrica en a déjà fait la démonstration. Très active aussi dans la production de films, la société brésilienne a par exemple réalisé en 2020 avec son film « Modo Aviao » (« Mode avion ») les meilleures audiences pour un film sorti sur Netflix dans une langue autre que l’anglais.
Mais ces dernières années, A Fabrica a aussi multiplié les projets de séries pour Netflix et Amazon Prime Video.
Avec ce deal de Banijay au Brésil il étoffe un peu plus son maillage mondial dans la production des contenus et s’inscrit donc dans une stratégie de croissance externe sur les métiers historiques du groupe qui continue de consolider le secteur avec plus de 10 acquisitions cette année.
Banijay est présent dans plus de 20 pays. Les Etats-Unis représentent sont premier marché, soit 18 % des revenus. Sur le continent américain, le groupe est également présent au Mexique et depuis quinze ans au Brésil. Sa filiale à Sao Paulo, Endemol Shine Brasil, produit notamment les déclinaisons locales de grandes émissions de divertissement (« Big Brother », « MasterChef », etc.).
Le groupe investit aussi dans l’infrastructure. Il a annoncé fin novembre la création d’un complexe de 70.000 m2 de studios de tournage qui seront aussi mis à disposition d’émissions télé et films produits par des concurrents. Situés à quelques kilomètres de l’aéroport international de Sao Paulo, ces nouveaux studios devraient ouvrir leurs portes au printemps.
Beaucoup saluent l’audace de Courbit mais s’inquiètent des risques qu’il prend. EndemolShine est réputé pour rencontrer des difficultés créatives. Et cela crée un grand producteur de flux, mais le marché demande de la fiction, de la série. Le nouveau Banijay penche clairement du côté du flux. Courbit croit encore beaucoup au format télé qui fait mouche. Les conditions financières de l’opération interrogent. Beaucoup de grandes sociétés, comme la britannique ITV, ont renoncé à cette acquisition. EndemolShine est endettée, à hauteur de 1,6 milliards d’euros. Cette ardoise va s’ajouter à celle de Banijay, qui a grossi depuis son lancement en 2007 par acquisitions successives. Il se retrouve avec une dette de près deux milliards d’euros. Avec trois milliards d’euros de chiffre d’affaires et un marché de la télé qui souffre de la baisse des recettes publicitaires et de la concurrence accrue des plateformes, c’est très lourd.
Rappelons que Stéphane Courbit est un entrepreneur hors pair, qui sait prendre des risques et qui connaît très bien les entreprises qu’il reprend.
Cet homme modeste, qui a tout créé seul, par sa force de travail, son instinct et sa constance. Est le premier producteur audiovisuel indépendant au niveau mondial, dirigeant le numéro un mondial des contenus pour la télévision. Sa recette s’il doutait d’un concept d’émission est d’appeler sa sœur ou une cousine de la Drôme pour avoir leur avis. Avec un sens incroyable de ce qui pourrait plaire au grand public.
Le milliardaire garde la tête froide et regarde déjà vers l’avenir. Il prend tous les jours une heure pour aller nager, joue au tennis régulièrement et skie dès qu’il le peut. C’est quelqu’un qui choisit avec soin ses projets personnels et professionnels pour pouvoir s’y engager totalement.
Le quinquagénaire fait très peu de déjeuners d’affaires. Il fixe plutôt des rendez-vous le matin au George-V, situé à deux pas de ses bureaux.
Il refuse des voyages lointains et fuit toutes les mondanités pour passer un maximum de temps avec ses enfants . Très « famille ». Ce qui ne l’empêche aucunement de vivre dans le luxe et l’opulence : L’hiver, l’amateur de ski se rend à l’Ormello, un chalet ultra luxe au bord des pistes de Courchevel, avec piscine, salle de ciné, brigade de cuisiniers aux petits soins… Propriétaire des lieux, Courbit en a confié l’exploitation à son groupe : quand il ne profite pas des 1.000 mètres carrés avec ses enfants (à tarif préférentiel), il est loué de 100 .000 à 200 .000 euros la semaine. L’été, le milliardaire prend ses quartiers dans sa très cossue maison de Saint-Tropez, proche de la plage préservée des Salins, où il fait son jogging pour toujours rester alerte et affuté.
L’hôtellerie de luxe, une activité choisie au départ pour consolider le patrimoine destiné à ses enfants, s’est révélée une autre passion : il est très attentif aux détails. Il possède à ce jour trois des vingt-trois palaces français. Il a aussi repris aussi un domaine viticole : le château d’Estoublon, en Provence, celui des « Gens de Mogador ».
Tigrane Seydoux, cofondateur, se souvient de son conseil : « Un projet d’entreprise doit pouvoir s’énoncer simplement pour être efficace. »
L’homme d’affaires fait partie de cette espèce d’entrepreneurs qui n’abandonnent jamais. Sous la torpeur du silence qui assassine se cache les braises d’une incroyable détermination.
Pas du tout influencé par l’entrepreneuriat à l’américaine. Chez lui pas de start up, de founders , d’incubateurs, de Seed, de VC, de Tech. Il s’inscrit plutôt dans l’entrepreneuriat à la française mais avec des ambitions mondiales. Les pieds sur terre la tête dans les étoiles. Par l’agrégation d’achats successifs et compulsifs il a constitué un groupe international à l’image de LVMH. Stéphane Courbit ou le Bernard Arnault de l’audiovisuel et des jeux en ligne. (L’hôtellerie étant son terrain de jeux pour des investissements en mode luxe mais toujours en bon père de famille, une manière de sécuriser et de séculariser son patrimoine dans la pierre).
Toutefois son profil interroge. Ce n’est pas du tout un leader d’opinion. Il ne s’exprime pas dans les médias et refuse systématiquement toutes les demandes d’interviews. C’est la discrétion incarnée. A son âge, avec sa maturité et son niveau d’exécution, il n’a pas ressenti le besoin de « redistribuer » son expérience, son savoir, son parcours ou ses moyens via une fondation, un fonds d’investissement, une école, du mécénat, de l’art, une association ou autres…
Sa motivation se situe surement ailleurs, tournée à l’intérieur de lui et vers ses enfants (Son fils ayant intégré Polytechnique). Avec la création d’une nouvelle dynastie entrepreneuriale française à l’image des familles Arnault, Pinault, Dassault et consorts. Une autre manière de laisser son nom gravé à jamais dans l’histoire.
Un parcours improbable et hors norme, lui le fils de postier d’un petit village de la Drôme, arrivé sans un sou à Paris dans les années 90, il fait aujourd’hui parti des plus grands entrepreneurs de Français. Milliardaire et puissant. Silencieux bâtisseur. A l’image de l’American Dream, il nous rappelle et nous interpelle sur le fait que Sky is definitly not the limit.
MEJRI Bassem