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Sylphaero : le moteur d’avion 100 % électrique made in France


C’est une petite révolution qui s’annonce. À Mérignac, en Gironde, la jeune pousse de deux ingénieurs de 25 ans est déjà soutenue par l’accélérateur de Dassault Systèmes et de Polytechnique et Paris Saclay. Leur avion pourra atteindre 800 km/heure sans émettre de CO2. Ils sont deux, Damien Engemann, qui a...

Entreprendre - Sylphaero : le moteur d’avion 100 % électrique made in France

C’est une petite révolution qui s’annonce. À Mérignac, en Gironde, la jeune pousse de deux ingénieurs de 25 ans est déjà soutenue par l’accélérateur de Dassault Systèmes et de Polytechnique et Paris Saclay. Leur avion pourra atteindre 800 km/heure sans émettre de CO2.

Ils sont deux, Damien Engemann, qui a étudié à l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, et Tom Bernat, détenteur d’un master en génie industriel et mécanique de l’Université de Strasbourg. Le premier a toujours été sensibilisé à la création d’entreprise, il est fan d’aéromodélisme, un loisir à l’origine de sa vocation. Le second souhaitait se lancer dès après son alternance. La rencontre officielle entre les deux jeunes hommes s’est faite fin 2019. Damien Engemann avait déjà son idée en tête depuis un an, c’est à l’occasion d’un Startup Weekend qu’ils ont eu l’occasion d’échanger.

Au départ, l’idée était de rester dans la région, mais en matière aéronautique, d’autres territoires tiennent le haut du pavé. Ils répondent à un appel à projets de Bordeaux Technowest en octobre 2020 qu’ils remportent. Ni une, ni deux, le déménagement se fait en janvier et la société Sylphaero naît le 25 mars 2021 avec un complément de financement de la Région Nouvelle-Aquitaine qui permet de recruter les sept premiers salariés et stagiaires. Le travail de R&D pouvait commencer de façon concrète.

Un moteur à réaction 100% électrique

Pour les non-initiés, les moteurs électriques actuels sont électromagnétiques, que ce soit en voiture, en aérien ou ailleurs. Les hélices tournent grâce à cela, créant le déplacement d’air qui crée à son tour la poussée. Mais il y a des limites au potentiel de cette solution, car pour atteindre des vitesses élevées, du type Mach 1, aucune solution commercialisable n’a vu le jour, les différents tests effectués au niveau international ont tous été interrompus. Le record du monde est de 623 km/h en électrique de ce type.

D’où la solution du réacteur. Le processus est différent, c’est la chaleur qui permet de créer la poussée, le principe étant identique dans le cas de la cocotte-minute ou de la tuyère du turboréacteur. Le défi auquel s’est attelé Sylphaero découle de ces constatations. Interrogé, Damien Engemann explique : « Si nous voulons que les avions électriques atteignent les mêmes vitesses que les avions équipés de réacteurs, il ne faut pas remplacer ces réacteurs par des moteurs électromagnétiques comme actuellement. Il faut plutôt électrifier ces réacteurs, c’est-à-dire chauffer l’air en leur sein à l’aide d’électricité, au lieu de brûler un carburant ». Tout est dit, la révolution est là.

Solution de rupture

Le dispositif créé par l’équipe de la startup est unique, car elle permet de monter la température au-delà de… 20 000°C ! Par rapport aux 1700° maximum des réacteurs classiques, un peu chaud direz-vous, sauf que les ingénieurs le savent, cette haute température crée une réaction : l’air se transforme en plasma. Explication de Damien Engemann pour les non-initiés : « Pour faire simple, le plasma est le 4e état de la matière, que l’on retrouve à différents endroits de notre environnement : le soleil et les étoiles, la foudre, les lampes de type néon… Notre objectif premier est vraiment de chauffer l’air à de hautes températures.

Le plasma est plus ou moins un effet secondaire lié à la température que nous atteignons ». Or, ce plasma permet d’augmenter le rendement du moteur de façon majeure. Une autre option est également l’injection d’hydrogène en plus de l’air, soit la création d’un moteur hybride. En bref, la suppression d’émissions CO2 est possible.

Un agenda bien rempli jusqu’en 2030

L’équipe prépare actuellement ses tests de preuve de concept, avant la construction d’un moteur pour aviation d’affaires. Suivront ensuite les phases classiques de certification et industrialisation. Un agenda bien rempli jusqu’à la date fatidique de 2030 qui concerne un grand nombre de startups lancées dans le défi de la transition écologique. Les premiers brevets sont déposés, si le démonstrateur fait ses preuves, il sera alors temps de travailler avec des grands du secteur aéronautique tel que Safran.

À court terme, la cible de Sylphaero est l’aviation d’affaires, plus simple à approcher que les grands groupes tels qu’Airbus, dont la branche Développement participe au financement tout en travaillant sur d’autres alternatives pour le futur.

Pionnier français, Sylphaero est un pionnier, car si une université américaine a déposé un brevet approchant, tous ceux qui s’intéressent à cette voie sont nettement en retard sur la start-up française. Les fondateurs sont ingénieurs et très confiants du point de vue technique : « Nous pensons pouvoir atteindre des vitesses plus élevées que n’importe quel autre réacteur existant. »

Commercialement, cela s’avérera plus compliqué, car les technologies de rupture et la deeptech en général ont toujours des difficultés à s’imposer. Le secteur aéronautique ne fait pas exception à ces comportements conservateurs habituels qui visent en priorité à prendre le minimum de risque tant que la concurrence reste dans les mêmes dispositions.

Cet argument vaut également pour les financements. Sylphaero est dans une phase de coûts élevés ; or, les levées de fonds sont très compliquées en Europe étant donné la jeunesse du projet. Le marché des réacteurs est pourtant énorme ; ils pèsent 92 milliards de dollars par an. Sylphaero doit lever jusqu’à 15 millions d’euros rapidement, en plusieurs tranches, afin de financer les quatre bancs d’essai nécessaires, la fabrication et quelques recrutements. Ces levées de fonds privées viendront s’adosser à des aides publiques, France 2030 notamment. L’idéal serait de pouvoir les clôturer d’ici octobre 2023 afin de pouvoir décoller.

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