Adjoint au maire du 9e arrondissement de Paris et membre du bureau politique de l’UDI, Sylvain Maillard est également l’heureux PDG d’Alantys Technology, une entreprise spécialisée dans le commerce des composants électroniques, qu’il a créée en 2001. La Société d’encouragement pour l’Industrie Nationale lui a décerné cette année le prix Montgolfier, saluant une progression de son chiffre d’affaires de plus de 100% sur les 36 derniers mois.
L’entreprise que vous dirigez, Alantys Technology, est plus présente à l’étranger qu’en France. Pour quelle raison ?
En effet, nous réalisons 80% de notre chiffre d’affaires en dehors de France. Cela s’explique par le tissu économique de notre pays avec, dans le domaine de l’électronique, soit de très grosses entreprises, comme Thalès ou Sagem, soit de toutes petites. C’est un vrai problème.
Chez Alantys, nous nous tournons plus naturellement vers des sociétés qui emploient entre 20 et 200-300 personnes. De ce point de vue, le tissu parfait, c’est l’Allemagne. Quand nous avons ouvert notre filiale à Cologne, du jour au lendemain, notre chiffre d’affaires a augmenté de 25%. De plus, alors que l’acheteur français a tendance à privilégier l’international, ce qui revient à compliquer son travail, pour se présenter ensuite comme indispensable, l’allemand quant à lui se félicite plus volontiers de faire affaire avec son voisin. C’est ainsi.
Vous êtes également implanté en Chine, à Shenzhen, près de Hong Kong. Comment les asiatiques voient-ils arriver les entrepreneurs français ?
Les Chinois sont extrêmement patriotes. Très peu parlent anglais. Par ailleurs, c’est une culture si différente de la nôtre qu’elle est parfois difficile à comprendre pour un européen. Ils travaillent aussi beaucoup par région : par exemple, untel va travailler avec un autre parce qu’ils sont originaires de la même zone géographique, voire du même village.
C’est une manière de procéder différente de la nôtre, c’est pourquoi nous avons pris le parti de faire travailler nos salariés asiatiques d’abord chez nous, à Argenteuil, afin qu’ils assimilent nos codes, nos méthodes. Ils peuvent ensuite les adapter aux spécificités des marchés locaux.
La miniaturisation des composants électroniques a fait des progrès considérables ces dernières années. A quoi peut-on s’attendre dans l’avenir, en terme d’innovations techniques ?
Cette tendance à la miniaturisation va s’accentuer, avec des composants de plus en plus puissants et je pense que nous allons, à brève échéance, assister à une explosion des objets connectés. On a la chance, chez Alantys, d’être positionnés très en amont dans ce domaine et c’est pour nous une vraie source de développement.
Nous travaillons aussi beaucoup sur les batteries. Aujourd’hui, avec les téléphones portables, on passe son temps à contrôler le niveau d’énergie restant. Très bientôt, vous pourrez les recharger quelque soit l’endroit où vous vous trouvez, sans branchement. Différentes technologies sont à l’étude, notamment la Li-fi. Et puis à terme, nous aurons en permanence des capteurs sur nous et ce sera même indispensable, afin de produire nous-même notre propre électricité.
Parallèlement à votre activité professionnelle, vous êtes aussi investi en politique. Comment avez-vous attrapé ce virus ?
La chose publique m’a toujours passionné. J’ai adhéré au RPR à l’âge de 18 ans et puis, en 1995, j’ai participé à la campagne de Jacques Chirac. Par la suite, j’ai été hélas très déçu. J’ai alors rejoint l’UDF, puis le Nouveau Centre en 2007 et enfin l’UDI, dont je suis membre du bureau politique national depuis l’année dernière.
Au delà des hommes, ma conception profonde de l’organisation est vraiment centriste. La définition qu’on en donne à l’UDI est à la fois humaniste et fédéraliste. Depuis l’époque où je faisais mes études – à Munich – j’ai toujours été tourné vers l’Europe. Je prône un fédéralisme non pas idéologique, mais pragmatique.
Par exemple, je suis convaincu que si nous avions un ministre de l’économie pour la zone euro, nous serions beaucoup plus forts, bien plus en mesure d’imposer nos normes, y compris aux Etats-Unis. Je me suis investi en politique car je ne voulais pas rester, en tant qu’entrepreneur, à me dire que si j’étais à leur place, je ferais mieux. A un moment donné, il faut passer à l’action.
Les chefs d’entreprise doivent s’investir en politique, ne pas attendre d’arriver à la retraite pour cela. C’est vrai que ça demande énormément de temps et un investissement sur le long terme. C’est difficile à gérer, d’autant plus qu’une collectivité n’est pas une entreprise, les rythmes ne sont pas les mêmes. Changer le sens de circulation d’une rue, par exemple, peut prendre plus d’un an, du fait des multiples procédures.
Il y a souvent un manque de pragmatisme et d’efficacité en politique qui explique aussi beaucoup de nos difficultés. Pour changer les choses, les membres de la société civile et notamment les chefs d’entreprise ne doivent pas attendre qu’on leur laisse des places, ils doivent les prendre eux-mêmes.
En tant qu’adjoint au maire du 9e arrondissement de Paris, vous êtes délégué, entre autres, à l’attractivité économique et au tourisme. Dans quelles proportions la vague d’attentats que nous subissons impacte-t-elle ce secteur ?
Le tourisme est une source potentielle de croissance très importante à Paris. Dans mon arrondissement, au lendemain du 13 novembre, il y a eu entre 35 et 50% de réservations en moins dans les restaurants et les hôtels. Aujourd’hui, c’est toujours loin d’être complet. Cela pose un vrai souci pour la pérennité de ces établissements. D’autant que les hôtels se vendent très cher, il y a une vraie bulle spéculative à ce niveau.
Tous les nouveaux repreneurs se retrouvent maintenant très endettés et même un taux de remplissage à 70 ou 80% peut ne pas suffire à rembourser leurs emprunts. On va donc assister, je le crains, à une vague de dépôts de bilan. Et puis dans le 9e, nous avons aussi les Galeries Lafayette, le Printemps, dont les fréquentations ont diminué. D’une façon générale, nous attirons un tourisme moins haut de gamme avec un ticket moyen de dépense en baisse. Il faut redresser la barre.
En 2014, le 9e arrondissement de Paris a été le seul à basculer à droite. Quelle a été votre action depuis lors ?
Nous oeuvrons beaucoup à revitaliser le petit commerce qui souffre en ce moment, lui aussi. Nous avons signé un premier partenariat avec la SIAGI, un organisme créé par les Chambres de métiers pour faciliter l’accès au crédit des entreprises artisanales.
Nous avons également fait de la rue des Martyrs, avec ses 100 boutiques et commerces, la première rue connectée en France. Des bornes Bluetooth ont été installées et une application unique a été développée, qui permet aux habitants du quartier, ainsi qu’aux passants d’avoir accès à des offres, des promotions, des services de livraisons et de déposes. De nombreuses applications similaires existaient déjà, mais notre idée était de traiter une seule rue avec la même application.
Nous travaillons aussi à imaginer ce que deviendront les grands boulevards dans 10 ans, comment accompagner l’évolution d’un endroit comme Pigalle, par exemple. On s’est aperçu, avec l’enquête que nous avons menée auprès des touristes, qu’ils étaient assez déçus. Bien sûr, il est hors de question que ça devienne un quartier comme un autre, il faut que nous conservions cet aspect singulier, mais en l’aidant à se transformer pour être le quartier canaille du 21e siècle.
Qu’en est-il de la dette de la ville de Paris ?
Nous serons probablement à plus de 7 milliards d’euros en fin de mandature. La politique du logement pose aussi débat : à titre d’exemple, Anne Hidalgo a récemment acheté dans le 9e arrondissement un immeuble à un peu plus de 12000 euros le mètre carré, pour en faire du logement très social. Evidemment, il n’y a aucune rentabilité à ce prix-là. Ce sont les parisiens qui vont payer.
Propos recueillis par Michel Clerc