Depuis la loi du 10 juillet 1965 et son décret d’application du 17 mars 1967, on ne compte plus les amendements législatifs qui aboutissent aujourd’hui à une extrême professionnalisation de la profession. Une carte professionnelle est délivrée tous les trois ans au cabinet de syndic, assortie d’une obligation de formation professionnelle, d’assurance en responsabilité professionnelle et d’une garantie financière pour les fonds détenus. L’intérêt de ces dispositions est de sécuriser la gestion des copropriétés.
Des missions complexes
Piloter les copropriétés implique de nombreuses responsabilités, de la gestion comptable, administrative et juridique à la résolution de conflits entre copropriétaires. Les syndics professionnels sont formés pour gérer cette complexité.
Ils ont aussi un rôle crucial dans la communication entre les copropriétaires, en veillant à maintenir un climat serein et en intervenant en cas de conflits. Leur capacité à gérer les relations interpersonnelles est essentielle pour maintenir la cohésion au sein de la copropriété.
Une profession mal-aimée ?
Dans un sondage réalisé par la FNAIM en 2019, 64,7 % des copropriétaires sont globalement satisfaits, voire très satisfaits des prestations de leur syndic. Néanmoins, cette profession reste encore trop souvent décriée par les politiques, qui suivent un peu trop facilement les discours hostiles de certaines associations de consommateurs généralistes.
Toute cette petite musique forme un fond sonore qui conduit au « syndic bashing ». Le syndic devient la cause de tous les maux d’une copropriété. On lui fait ainsi endosser la responsabilité de la dérive des charges. Celles-ci ont certes augmenté de 9 à 14 % en 2023 selon le mode de chauffage, individuel ou collectif de la copropriété. Qui peut pourtant prétendre que le syndic peut agir sur le prix de l’énergie ? Plus largement beaucoup oublient plus ou moins volontairement que le seul poste de charge à la main véritable du syndic est celui de ses honoraires, qui ne pèse guère qu’un peu plus de 10 % dans le montant total du budget de la copropriété !
Le syndic est aussi accusé de ne pas faire jouer la concurrence dans le cadre des travaux ou de la souscription de contrats d’entretien. En pratique, il y a un garde-fou. C’est l’obligation de mettre en concurrence les marchés et contrats à partir d’un montant voté en assemblée générale des copropriétaires. Et le syndic n’est pas seul ! Il travaille avec un conseil syndical, composé de copropriétaires élus, comme lui, et qui ont une double mission : contrôler son activité et l’assister dans sa gestion. Bien souvent les critiques des copropriétaires à l’endroit de leur syndic doivent aussi les conduire à s’interroger sur l’efficacité du conseil syndical qu’ils ont élu. Un bon syndic va nécessairement de pair avec un bon conseil syndical ! Et l’inverse se vérifie pareillement.
Enfin, le syndic est souvent accusé de mauvaises pratiques ou de manque de professionnalisme. Pourtant, la profession s’est modernisée, avec la généralisation de l’accès à un extranet, la digitalisation des process et bientôt l’intelligence artificiel pour accélérer la réactivité aux demandes. Les collaborateurs dans les cabinets sont désormais issus pour la plupart de filières immobilières de qualité et astreints à une mise à jour permanente de leurs connaissances (pour exercer leur profession les gestionnaires doivent justifier au minimum de 42 heures de formation continue sur 3 ans).
Faut-il écouter les « disrupteurs » ?
On se souvient de la contre-publicité du néo syndic Bellman « vous n’avez aucune raison de subir votre syndic… à moins d’aimer ça ! ». Le même Bellman qui est en liquidation judiciaire depuis le mois de novembre 2023.
Ou la plateforme Matera, condamnée pour dénigrement et pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Le même Matera qui vient d’ouvrir sa propre structure de syndic de copropriété… Le premier ministre, Gabriel Attal, déclare qu’il faut déverrouiller la profession de syndic ». En clair, « disrupter », à la manière des Airbnb.
Pareillement la plateforme Matera qui prétendait réinventer le métier a été condamnée pour dénigrement et pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Le retour sur terre a ouvert les yeux de ses dirigeants : Matera vient finalement d’ouvrir sa propre structure de syndic de copropriété…quand ses mêmes dirigeants n’ont cessé de clamer que ce modèle de syndic professionnel était voué à disparaître au profit d’une solution de syndic « fait à la maison », avec un seul smartphone pour commander des interventions et les payer.
On se souvient de la contre-publicité du néo syndic Bellman « vous n’avez aucune raison de subir votre syndic… à moins d’aimer ça ! ». Cette profession mérite pourtant le respect, et d’être abordée avec beaucoup d’humilité tant elle requiert de compétences pour être bien exercée. Pour l’avoir oublié, Bellman est en liquidation judiciaire depuis le mois de novembre 2023.
Malgré cela, le premier ministre, Gabriel Attal, déclare à l’emporte-pièces qu’il faut déverrouiller la profession de syndic ». Qu’est-ce à dire ? Entend-il « disrupter » la profession, entend-il créer un Airbnb de la copropriété, la désintermédier, permettre à tout un chacun de l’exercer ?
Disrupter, ce serait remettre en question toute une profession qui a fait tant d’efforts pour respecter une législation particulièrement exigeante à son endroit contribuant à sécuriser la gestion des copropriétés et à professionnaliser ses membres. Disrupter, ce serait céder à la pression des sociétés low-cost, ce serait renoncer à la valeur ajoutée d’un syndic professionnel, qualifié, contrôlé, indispensable finalement à la préservation du patrimoine des copropriétaires. La profession est dans ce cadre un acteur essentiel de la rénovation énergétique des copropriétés.
En définitive, si le métier peut continuer d’être encore trop décrié, les copropriétaires aiment finalement leur syndic. La loi française de la copropriété et l’une des plus complexe au monde, parce qu’elle cherche avant tout à être protectrice de leur patrimoine. Les professionnels du secteur, parce qu’ils sont forts de ces compétences essentielles jouent un rôle fondamental dans la préservation de la valeur durable des biens immobiliers et dans la lutte contre le dérèglement climatique. Il est crucial de leur reconnaître ce rôle de tiers de confiance.
André Perrissel
Institut Janus
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