Télétravail et travail nomade s’imposent aujourd’hui comme une évolution inévitable et irréversible de la société et du rapport au travail, ainsi qu’une réelle opportunité pour l’entreprise de combiner productivité et innovation, rentabilité et agilité.
Avec l’avènement de la « culture digitale », de nouvelles modalités de travail se développent. Il est de plus en plus facilement envisageable d’exercer son activité professionnelle sans quitter son domicile. Travailler de chez soi, provisoirement, partiellement, ou complètement, est un rêve caressé par beaucoup.
Mais pour qu’il se transforme en réalité épanouissante et productive, faut-il encore en maîtriser les règles. Et ces règles ne sont pas les mêmes, que vous soyez indépendant, donc seul maître à bord ou que vous soyez salarié, donc supposé rendre des comptes à l’entreprise qui vous emploie.
La situation aujourd’hui
Entre 12 et 17 % des actifs télétravaillent plusieurs heures par semaine. Dans les 20 ans à venir, plus de la moitié des actifs travailleront en dehors des entreprises. Nous vivons une nouvelle révolution du travail, où le fait de pouvoir travailler à distance grâce aux technologies de l’information modifie en profondeur notre manière d’appréhender nos conditions de vie. Pourtant, le télétravail reste encore mal connu en France.
L’essor du télétravail complet s’accélère et concerne désormais un peu plus de 12 % des salariés français, ce qui reste toutefois encore très loin des pays anglo-saxons ou scandinaves (entre 20 % et 35 %). Quand son développement et sa pratique sont correctement maîtrisés, le télétravail apporte de nombreux bénéfices tant pour le télétravailleur que l’employeur ou la société dans sa globalité : amélioration de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, augmentation de la productivité, amélioration des conditions de travail, désengorgement des transports, réduction des émissions de gaz à effet de serre, entre autres.
Trois enseignements majeurs
Les travaux d’Olivier Brun et Cécilia Durieu, Directeurs associés de Greenworking, sur le télétravail en France* ont mis en lumière trois enseignements essentiels au sujet du télétravail et de ses impacts :
– Le télétravail offre aux travailleurs de la connaissance des conditions de travail
qui permettent un niveau de concentration et donc une productivité très élevés. La généralisation de l’open space et la diffusion des Technologies de l’Information et de la Communication ont eu des effets pervers très pénalisants pour la productivité : sentiment d’urgence permanent, infobésité, interruptions intempestives, addictions, difficultés à prendre du recul. Le télétravail pendulaire permet de recréer un espace-temps où le travailleur de la connaissance peut s’extraire du brouhaha professionnel, du flot incessant de perturbations et donc éviter la surcharge cognitive. C’est aujourd’hui l’un des principaux bénéfices du télétravail au même titre que la réduction des temps de transport.
– Le télétravail implique un nouveau rapport au travail et un nouveau modèle managérial
fondé sur la confiance et l’autonomie. Le télétravail rend caduc l’ancien modèle managérial français directement issu de la vision tayloriste de l’entreprise dans lequel le manageur est un contremaître qui contrôle et distribue le travail. Ce modèle n’est plus du tout adapté aux enjeux actuels de la création de valeur car il bride les collaborateurs, coupe court à leurs initiatives, réfrène leur développement personnel et pénalise la créativité et l’innovation. Le manageur de télétravailleurs doit au contraire animer, assurer le partage de la connaissance, fédérer son équipe, libérer les énergies et catalyser la création de valeur.
– Le télétravail remet profondément en cause le modèle du bureau traditionnel
qui, avec un taux d’occupation moyen qui ne dépasse pas les 45 %, devient ainsi une aberration financière et écologique. En achevant l’unité de lieu et l’unité d’action au travail, le télétravail contraint à repenser complètement le lieu de travail qui ne va plus seulement se résumer à une tour de bureaux mono-entreprise mais à un mix de différents types d’espaces qui auront chacun leurs avantages et leurs inconvénients : le bureau de l’entreprise qui sera un hub de rencontres et d’échanges intensifs, le domicile pour se concentrer et éviter les déplacements et enfin les tiers-lieux de travail qui offriront un nouveau lien social avec son écosystème professionnel et un lieu de passage idéal en situation de mobilité.
Manager les télétravailleurs
Le travail à distance peut donc devenir un outil de compétitivité et de production des entreprises de toutes tailles, à condition de bien savoir encadrer les télétravailleurs. Ce qui implique pour les managers différents savoir-faire essentiels :
. Contrôler sans être intrusif,
. Partager l’information sans inonder les messageries électroniques,
. Planifier les temps collectifs sans nuire à la flexibilité,
. Choisir le bon moyen de communication selon le type de message,
. Être participatif sans perdre d’autorité,
. Définir et suivre l’atteinte d’objectifs,
. Adapter son management à la distance sans être inéquitable envers les sédentaires,
. Prévenir et gérer les tensions entre sédentaires et télétravailleurs.
La manière traditionnelle de manager fondée sur le présentéisme et le contrôle des collaborateurs n’est pas compatible avec la distance qui suppose une relation de confiance et une transparence des deux parties. Avec le télétravail, le manageur doit aujourd’hui passer d’un rôle de distributeur-contrôleur à un rôle d’animateur-entraîneur.
Source : « Le télétravail dans les grandes entreprises françaises : comment la distance transforme nos modes de travail ». Synthèse remise au ministre charge de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique.