Alors que 38 % de la population française vit dans une commune de moins de 3 500 habitants, l’accès des zones rurales à la vaccination inquiète une partie des élus locaux qui dénoncent la stratégie vaccinale du gouvernement, jugée trop orientée sur les vaccinodromes, au détriment des pharmacies et de la médecine de ville. « Les habitants en milieu rural ont le sentiment d’être un peu laissés pour compte et de devoir prendre leur voiture pour faire 50 kilomètres » déplore Dominique Dhumeaux, maire de Fercé (Sarthe) et 1er vice-président de l’Association des Maires Ruraux de France, interrogé par Entreprendre.fr
Depuis l’annonce du lancement des vaccinodromes, le gouvernement semble, de plus en plus, orienter la campagne de vaccination vers de très grosses structures, à destination des populations urbaines. Mais aussi mobiliser les forces des Hôpitaux d’Instruction des Armées (HIA) et du Service de Santé des Armées (SSA), eux aussi appelés à s’engager plus massivement dans la campagne.
Objectif ? Accélérer la cadence de vaccination, alors que les critiques des oppositions se font de plus en plus fortes et que la lassitude des populations grandit. Pour le seul mois d’avril, Alain Fischer, coordinateur de la campagne, espère arriver à 400 000 doses injectées quotidiennement. Un véritable défi logistique pour Emmanuel Macron, qui souhaite à tout prix respecter le timing -serré- qu’il s’est fixé, après avoir annoncé le 30 mars dernier la réouverture des musées et des terrasses à la mi-mai dans une allocution aux allures de déjà-vu.
Dans les campagnes, le sentiment d’être oublié ?
En revanche, dans les campagnes, la colère gronde. Le 3 avril dernier, l’Agence régionale de Santé de Nouvelle-Aquitaine annonçait la fermeture de deux des centres de vaccination du département de la Corrèze situés en zone rurale, déclenchant la colère et l’incompréhension des élus locaux. La raison ? « L’ARS nous a dit que la stratégie est de privilégier les centres qui font au moins 1000 vaccinations par semaine, une règle nationale dictée par des décideurs complètement déconnectés de la réalité » déplore Jean-François Labbat, maire de la commune de Corrèze, l’un des deux centres touchés par cette fermeture avec celui de Lubersac, dans des propos rapportés par France 3 Nouvelle-Aquitaine. Sous la pression des habitants et la détermination des élus, l’ARS a fini par renoncer à la fermeture de ces deux centres le mercredi 7 avril.
Une vaccination en zone rurale d’autant plus délicate que ses habitants cumulent les fragilités et font face, plus que les urbains, à un déficit d’accès au numérique et à une moindre maîtrise des réservations en ligne. « On se rend compte, comme toujours, que ceux qui accumulent plusieurs handicaps, comme par exemple les 15 millions de Français qui sont en difficulté avec tout ce qui relève de la dématérialisation des démarches administratives, sont souvent les mêmes qui accumulent les difficultés pour la mobilité », détaille Dominique Dhumeaux.
Les pharmacies veulent « pallier les faibles volumes de doses AstraZeneca disponibles » avec des vaccins ARNm
Un signe d’espoir est cependant venu de l’Agence européenne du médicament, qui a émis un avis positif le vendredi 26 mars pour le transport et le stockage des flacons du vaccin Pfizer/BioNTech à des températures de congélateurs classiques, soit ceux habituellement utilisés dans les pharmacies -entre -25 et -15°-. Une alternative au stockage jusqu’alors en vigueur, très contraignant avec des températures comprises entre -90 et -60°. Un processus lourd en infrastructures, réservé aux centres de vaccination.
De quoi capitaliser sur le maillage offert par les pharmacies d’officines, qui sont plus de 22 500 en France et souvent l’un des seuls points de contact avec le monde de la santé ? « Sans l’appui du réseau de proximité que constituent les pharmacies d’officine, la campagne XXL du Gouvernement créera une inégalité majeure d’accès aux soins » expliquent la Fédération des pharmaciens d’officine (FSPF) et l’association des maires ruraux de France (AMRF) dans un communiqué diffusé le 31 mars dernier.
Les pharmaciens réclament la possibilité de pouvoir administrer aux volontaires admissibles les vaccins à ARNm, qu’ils s’agissent de Pfizer ou de Moderna, dont les conditions de conservation sont désormais plus aisées. Selon les représentants des pharmacies, les officines sont d’ores et déjà opérationnelles. « Nous sommes prêts à administrer et mettre à disposition des professionnels de santé les vaccins à ARNm, nous avons la compétence et les équipements nécessaires », affirme Philippe Besset, président de la FSPF. Mais le gouvernement semble, pour le moment, encore faire la sourde oreille aux demandes des pharmaciens et des élus ruraux.
« D’accord pour les vaccinodromes, à ce qui fait que le buzz, à ce qui montre que la France sait s’organiser, mais restons pragmatiques et concentrés sur les territoires les plus reculés pour que les gens qui veulent un vaccin puisse l’avoir », explique Dominique Dhumeaux. Pour les pharmaciens, pouvoir disposer de doses de vaccins à ARNm permettrait au réseau de pouvoir vacciner un million de personnes par semaine et d’approvisionner les médecins de ville et les pharmaciens d’officine de ville à hauteur d’un autre million de doses. Reste au gouvernement à donner son accord, quitte à sacrifier -un peu- les vaccinodromes au profit des petites structures.