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TF1 peine à mettre un terme à l’hémorragie de ses audiences


Stable en 2023 et toujours en tête du paysage audiovisuel français, TF1 peine pourtant à renverser la tendance à la baisse de ses audiences depuis une vingtaine d’années. La « Une » se fait peu à peu rattraper par France 2, qui s’installe durablement à la seconde marche du podium et grignote des parts de marché à sa rivale privée.

Rodolphe Belmer, PDG du Groupe TF1

TF1 à son plus bas niveau historique

Si les communiqués du groupe se veulent rassurants et rappellent volontiers que la chaîne reste « leader de la TV », les années se suivent et se ressemblent chez TF1, où la direction doit composer avec l’hémorragie de ses audiences. En 2005, année d’apparition de la TNT et d’une concurrence accrue, la chaîne rassemblait près d’un tiers des téléspectateurs. Elle ne peut aujourd’hui se targuer d’en rallier que 18,6 %, le taux le plus bas depuis sa création. Un taux quasi-identique à 2022, TF1 ne perdant que 0,1 point de parts d’audience cette année, mais inférieur de 1,1 point en comparaison à l’année 2021. Encore plus en difficultés, M6 poursuit sa chute et ne rassemble plus que 8,1 % des parts d’audience après avoir enchaîné les déconvenues avec « La route des coffres », « Lego Masters » ou encore « Coup de foudre au bout du monde », qui n’aura tenu que deux épisodes.

Les courbes pourraient-elles, dans les années à venir, se croiser avec France 2, son éternelle rivale du service public ? Sur une pente ascendante, la « 2 » gagne 0,5 point de part d’audience en 2023 avec 15,3 % des PDA, et se renforce ainsi sur un podium complété par France 3, en baisse cette année. Au niveau groupe, le pôle public de l’audiovisuel reste en tête avec 28,8 % de part d’audience, contre 27,2 % pour le groupe TF1. En 2023, France 2 a ainsi pu compter sur ses « Complément d’enquête », certaines de ses fictions particulièrement appréciées, « Capitaine Marleau » et « Astrid et Raphaëlle » en tête, mais aussi certains programmes sportifs, comme le rugby ou le Tour de France, ou encore sur ses programmes de divertissement de l’après-midi.

2022 et 2023 : deux années en demi-teinte

2022 et 2023 ont été, pour TF1, les deux pires années d’audience depuis … 1975. Et ce malgré une programmation avantageuse. En 2022, TFI a pu compter entre autres sur la diffusion en plein hiver de la Coupe du monde de football et une finale hors-norme, atteignant 29,1 millions de téléspectateurs au moment de la séance de tirs au but, qui a vu les Bleus s’incliner au bout de la nuit. En 2022, le groupe pouvait s’appuyer sur « Les Combattantes », la série à succès avec Audrey Fleurot pour, là encore, sauver des audiences en berne. Dans le même temps, TF1 a été plombée par son conflit ouvert avec Canal + en septembre et octobre 2022, qui a conduit le groupe crypté à couper les fréquences de son concurrent chez ses abonnés. 2022 a aussi été l’année de la perte de vitesse sur plusieurs programmes traditionnels de la chaîne, notamment les séries américaines, comme « S.W.A.T », « Grey’s Anatomy » ou encore « Good Doctor », qui subissent un désintérêt grandissant du public. Certains divertissements phares, comme « Koh-Lanta » ou « Danse avec les stars », ont aussi connu des destins similaires, alors qu’en 2022, « The Voice » est passée en moyenne sous la barre des 4 millions de téléspectateurs réguliers.

En 2023, c’est de nouveau le sport qui a permis à TF1 de glaner ses succès, la chaine profitant de l’engouement généralisé pour une Coupe du Monde de Rugby jouée à domicile. Autre point positif pour TF1, le succès retentissant de HPI, sa série maison, qui propose Audrey Fleurot en tête d’affiche et dont le succès, pour l’instant, ne se dément pas. Pourtant, malgré certaines nouveautés, comme « Panda » avec Julien Doré ou « Master Crimes », TF1 n’apparait plus qu’à 68 reprises dans le top 100 des programmes les plus visionnés soit, encore une fois, son plus faible niveau historique. Rodolphe Belmer, qui a rejoint le groupe TF1 en février dernier, aura pour principale mission de stopper l’hémorragie de ses audiences. Sachant que deux de ses principaux paris, « Plus belle la vie » et « Bonjour », ne crèvent pas pour l’instant le plafond.

Plus belle la vie et Bonjour ! peinent à convaincre

Des inquiétudes persistent ainsi sur deux des principaux carrefours d’audience assumés de TF1. La reprise de « Plus belle la vie » en grande pompe commence déjà à patiner, l’épisode 6 du 15 janvier ayant enregistré la plus faible audience depuis son retour aux écrans une semaine auparavant. Si le début est honorable, l’effet « rebond » se fait encore attendre après le choc de l’arrêt de la série sur France 3. Avec un budget annuel de 30 millions d’euros, les audiences du feuilleton sont scrutées au Delta, siège du groupe à Boulogne-Billancourt. Son créneau horaire particulier, à 13h40 du lundi au vendredi, peut refroidir certains téléspectateurs.

Dans la guerre des Matinales aussi, TF1 peine à gagner du terrain. Son dernier-né « Bonjour ! », animé par Bruce Toussaint avec l’objectif, en début de journée, de faire de l’ombre à « Télématin », tente de bouleverser le paysage de ce créneau stratégique. L’émission rassemble une audience de moins de 250 000 téléspectateurs par jour en moyenne. Sur cette tranche horaire (6h50 – 9h30), l’émission se place derrière l’indétrônable Télématin, le duo « Première édition » et le « Face-à-face » de BFM TV et l’autre duo « La matinale » et « L’Heure des pros » de Pascal Praud sur CNews.

Autre enjeu stratégique pour Rodolphe Belmer, le numérique. Avec 28 millions de Français qui consultent chaque année MyTF1, selon le directeur général du groupe, le projet a du potentiel, mais reste encore bien loin de ses concurrents, comme Netflix. Difficile, surtout, de percer sur un secteur ultra-concurrentiel et en partie trusté par les services américains. Avec TF1+, qui prend la suite de MyTF1, le groupe espère prendre sa part dans le marché en croissance de la publicité digitale. Un marché qui ne laisse pas beaucoup de place aux nouveaux entrants, aussi ambitieux soient-ils.

Alexandre Bodkine

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