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Thierry Blandinières, un grand patron qui dirige InVivo comme un entrepreneur


Nos grands dirigeants gagneraient à se comporter davantage en conquérants.

Thierry Blandinières, président d'InVivo

Ne l’oublions pas : beaucoup d’entre eux sortent directement des états-majors de groupes, ayant suivi pour la plupart un parcours classique et une carrière de dirigeants sur-diplômés, sans forcément s’être colleté aux réalités du terrain.

Je connais depuis plus de 20 ans Thierry Blandinières, l’actuel patron du géant InVivo, devenu sous sa coupe le plus grand groupe agricole français (12 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 13 000 collaborateurs). Alors quand j’entends l’ancien dirigeant de Delpeyrat me raconter, à l’auberge Dab à Paris, comment il a permis à certains de ses cadres, dont Nicolas Papageorgopoulos, de reprendre eux-mêmes la chaîne de restauration rapide « Pomme de Pain » (40 M€ de chiffre d’affaires, 108 restaurants), au lieu de la vendre à Le Duff ou à Marie Blachère. Ou quand il m’explique que sans la vente d’une de ses filiales, jamais il n’aurait pu dégager le milliard d’euros nécessaire pour reprendre Soufflet.

Une belle ETI familiale centenaire de Nogent-sur-Seine, leader du négoce de céréales et qui, sans son intervention, filait tout droit dans les filets d’un groupe américain concurrent, genre Cargill. Thierry a su trouver les mots auprès du dirigeant historique, Michel Soufflet, 93 ans aujourd’hui, à qui il a garanti un bureau à vie dans son ancienne entreprise : une manière élégante de donner du sens et de montrer aux équipes que ce sont d’abord les hommes, au-delà des âges, qui font avancer les organisations. Un homme, en l’occurrence, devenu très fier d’apprendre que son ancienne entreprise allait devenir le premier producteur mondial de malt à la faveur du rachat de son concurrent australien United Malt Group (UMG), avec en perspective une prochaine introduction en bourse sur Euronext Paris.

Et je ne vous parle pas de toutes ces jeunes pousses auxquelles InVivo met aujourd’hui le pied à l’étrier : une entreprise de cosmétique naturelle, Cultiv, lancée par l’intrapreneuse Laure-Anne de Tastes, une start-up dans le vin, les restaurants So France à Singapour, ou Aladin, la plateforme géante qui a vocation à s’imposer comme l’Amazon français des agriculteurs dans le monde.

Il est comme cela, Thierry Blandinières : il ne s’avoue jamais vaincu. Si sa filiale vinicole Cordier by InVivo est déjà devenue en quelques années la première entreprise de distribution de vins avec Castel, elle continue à rechercher inlassablement de nouvelles cibles : « Le marché du vin est incroyablement atomisé et diversifié. C’est ce qui fait son charme. Il est difficile d’arriver à créer des marques mondiales comme cela existe sur le marché de la bière avec Carlsberg, Heineken ou Kronenbourg… C’est ce que nous essayons de faire avec Cordier ou Café de Paris, même si la législation française ne nous aide pas. »

Ce n’est pas grave : son groupe continue d’avancer. Son échec à reprendre Casino avec Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari via Teract ne le décourage pas : « Casino perd 100 millions d’euros par mois. Cela ne va pas être facile pour Daniel Kretinsky, le repreneur. Nous allons plutôt réorienter nos actions pour faire grandir notre chaîne de boulangerie Louise qui a un énorme potentiel. L’arrivée de Stéphane Courbit au capital des boulangeries Ange montre que le marché a besoin de se structurer, mais nous, nous sommes des hommes de produits. »

Le rendez-vous est pris. On n’a pas le temps de s’ennuyer. Ah, si tous les grands patrons pouvaient être aussi entreprenants ! Il est vrai qu’il est bien plus aisé de chercher à mettre en orbite de nouveaux entrepreneurs en les adossant à un groupe qu’en les laissant partir à l’abordage tout seuls.

En bon Corrézien, Blandinières cultive l’esprit rugby. Il ne manque pas un match du XV de France, et est même devenu vice-président du CA Brive : « Un beau club historique du rugby français, bien enraciné avec des valeurs, et qui peut rayonner bien au-delà de Périgueux jusqu’à Limoges. » Bien vu : derrière son président, le financier anglais Ian Osborne, un beau parterre d’entrepreneurs comme Yannick Bolloré (Vivendi), Frédéric Gervoson (Andros) ou Daniel Derichebourg, et un budget de 20 millions d’euros appréciable pour un club de Pro D2. « En plus, c’est un club qui coche bien les cases des valeurs du monde paysan. »

Et si la Coupe du monde de rugby en France est une belle réussite, InVivo a marqué un bel essai en devenant fournisseur officiel avec sa jeune marque de champagne Dival Cotel. Un succès d’estime pour cet homme simple et ambitieux qui privilégie le contact avec les hommes et le terrain. « Ce matin, j’étais avec 400 vendeurs du groupe au Parc Astérix. Tu ne peux pas savoir comment cela remet les choses en perspective. Et puis, on n’a pas le droit de se rater… »

La réussite est à ce prix. Dommage qu’il n’y ait pas davantage de patrons de terrain à la tête de nos plus grands groupes multinationaux. Cela déménagerait !

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