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Tony Parker : « Je veux contribuer à faire grandir la France »


Habituellement peu disert avec les médias, Tony Parker, invité du Chinese Business Club, le premier réseau d'affaires français, s’est livré comme rarement.

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Devant des journalistes, entrepreneurs, dirigeants et chefs d’entreprises qui lui ont posé des questions après qu’il soit revenu sur sa carrière, le meilleur basketteur français de tous les temps, désormais entrepreneur à succès via sa société Infinity Nine Group, a fait le show. A 41 ans, Tony Parker ambitionne tout simplement de devenir le Jordan français en dehors des parquets !

Qu’est-ce qui vous anime aujourd’hui ?
Ce qui m’anime, c’est la transmission. J’ai envie de redonner à la nouvelle génération. J’ai envie de créer des opportunités. Parfois, pour réussir dans la vie, cela se joue à rien et c’est une question d’opportunités. Moi j’ai grandi avec pas grand- chose. J’ai un père américain, une mère hollandaise, je suis né en Belgique, mais je suis Français. J’ai grandi avec les deux mentalités.

Mon père avait ce côté américain d’avoir toujours une grande en confiance en soi, toujours positif, et c’était un bon juste milieu avec ma mère qui était européenne et qui me parlait toujours de garder les pieds sur terre, que quand tout va bien, ne pas trop s’enflammer, et quand tout va mal, ne pas être trop dur avec soi-même. Gérer les hauts et les bas, c’est ça une carrière de sportif. En France, quand j’ai commencé le sport, il y avait cette grande phrase : le plus important, c’est de participer !

J’ai toujours eu du mal avec cette phrase-là parce que, pour moi, le plus important c’était de de gagner ! En France, on avait une préférence pour les deuxièmes et les troisièmes. Moi j’ai grandi en regardant Michael Jordan, c’était mon idole. J’avais envie de prouver aux Américains qui sont très arrogants que les Français savent jouer au basket.

On a dû vous prendre pour un fou !
C’est clair. Quand je disais que je voulais jouer en NBA, que je voulais devenir le premier meneur européen à réussir en NBA, les gens rigolaient. Le premier match que j’ai vu de l’équipe de France, c’était en 92, j’avais 10 ans, c’était à Monaco et la dream team, la meilleure équipe américaine de tous les temps, avait mis 50 points à la France.

Ça m’a motivé pour changer la destinée de l’équipe de France. J’ai travaillé dur et j’ai vu très tôt que j’étais différent des autres. A 15 ans, pour se motiver avec les amis, on disait rendez-vous à 7h du matin à la piste d’athlé. Le premier jour, on était 10, tous là, tous motivés. Le 2ème jour, on était 5. Le 3ème jour, on est que 4 et le jour d’après j’étais tout seul !

Mais le travail a payé !
Je me suis rendu compte que j’étais souvent tout seul pour travailler. Tous ceux qui ont réussi, ils savent que pour réussir il y a de gros sacrifices à faire. J’étais motivé parce que je voulais marquer l’histoire du basket français. Quand je suis arrivé à 19 ans en NBA, que je suis devenu le premier meneur, le plus jeune à être titulaire dans un match, ça commençait avec un rêve.

C’est important de visualiser quand vous avez un rêve. Quand j’étais petit, j’écrivais tous mes objectifs, mes rêves. La première personne qui doit y croire, c’est vous. Beaucoup ne se lancent pas parce qu’ils ont peur. Le plus important, c’est d’essayer. Je n’avais pas de plan B. Toute l’énergie que vous dépensez dans le plan B, c’est de l’énergie que vous auriez pu mettre dans le plan A !

Au final, je suis allé jusqu’au bout de mes rêves et aujourd’hui c’est moi qui rigole quand on disait que j’étais trop petit ou trop maigre, que je n’y arriverai jamais ou la phrase favorite des Français que j’avais la grosse tête.

Votre mentalité américaine a pris le dessus.
C’est quoi la différence entre avoir la grosse tête et avoir une grosse confiance en soi ? C’est quoi la différence entre quand je jouais au PSG et qu’on disait que j’avais la grosse tête et, six mois après, je réussis en NBA et tous les Français disent que je suis fort parce que j’ai une grosse confiance en moi ! Je ne pense pas que j’ai changé tant que ça en six mois (rires).

Etes-vous impatient que les JO débutent cet été en France ?
Ça va être incroyable. En 98, il y a eu le titre de champions du monde des footballeurs avec Zizou et Titi (Henry). On a vu ces images-là avec Teddy (Riner) et on a voulu nous-aussi emmener la France au plus haut niveau.

Ça vous a pris du temps
Ça m’a animé durant toute ma carrière pour amener le premier titre de l’histoire du basket français. On apprend toujours plus quand on perd. J’ai commencé ma carrière pro en 2000 et j’ai gagné très très tôt en NBA. A 21 ans, j’ai été champion NBA. Deux ans après, on regagne un titre. En cinq ans, on a gagné trois titres. Mais je m’étais toujours dit que si je ne gagne pas un titre avec l’équipe de France j’aurais l’impression d’avoir loupé ma carrière. On est champions d’Europe juniors en 2000. Je m’étais fait cette promesse à moi-même que je ramènerai le premier titre de l’histoire du basket français. Pendant longtemps, on n’a pas gagné. En 2013, on est enfin de retour en finale NBA avec les Spurs. On mène 3-2 et pour être champion il faut gagner 4 matches.

On est à +5, il reste 28 secondes. On avait 99,5% de chances de gagner ce match dans cette situation. Bien évidemment, on était dans les 0,5 puisqu’on a perdu. On perd le match 7 et la finale 4-3. C’est la plus grosse défaite de ma carrière. Mais, dans toutes les défaites, ce qui est le plus important, et c’est là où on va juger ton caractère, c’est comment tu reviens de ça. Ça faisait 13 ans que j’étais en équipe de France, que je n’arrivais pas à gagner en équipe de France. Cet été-là, il y a le Championnat d’Europe. Quand le coach m’appelle après cette grosse défaite avec les Spurs, au début je lui dis que je ne viens pas cet été. En plus, d’autres joueurs avaient annulé et ne voulaient pas venir en équipe de France. Je me suis dit qu’on allait avoir une équipe de bras cassés… 48 heures après, j’ai changé d’avis. Premier match de cet Euro, on joue l’Allemagne et on perd, on s’en prend 30.

Je savais qu’il ne fallait pas que je vienne… Mais à mes coéquipiers, je leur dis qu’on a la meilleure équipe du monde, il faut qu’on donne tout, c’est peut-être notre dernière opportunité de pouvoir être champions d’Europe. On tombe en quarts de finale contre la Slovénie, chez elle, devant 25 000 Slovènes et on gagne ce match-là. On joue l’Espagne en demi-finale qui est notre bête noire. On n’arrivait jamais à les battre. A la mi-temps, on perdait de beaucoup, je me suis un peu énervé (sic) et on s’impose après prolongation et enfin on gagne le titre de champion d’Europe. Et dire, qu’à la base, je ne voulais même pas y aller…

Quand je retourne à San Antonio, j’étais super content, j’avais ma médaille d’or, je faisais un peu le malin. Mes coéquipiers, eux, étaient encore sur la finale qu’on avait perdue. Le coach, première réunion, il nous met les images du match 6 les trois dernières minutes et les trois dernières minutes du match 7 et on commence cette saison avec toutes ces images-là. Et c’est cette année-là après 8 ans de ne pas être allé en finale NBA qu’on arrive en finale contre Miami, la même équipe contre qui on avait perdu en 2013. Et là on a joué le meilleur basket de toute l’histoire des Spurs. Tout ça a finalement commencé avec une grosse défaite !

Quelle leçon en tirer ?
Toute ma vie, ça a été comme ça, j’ai dû me battre, prouver aux gens que je pouvais arriver, qu’on pouvait y arriver, que ma génération pouvait y arriver. Je suis vraiment fier quand maintenant on arrive aux JO avec des athlètes comme Kylian Mbappé, Léon Marchand ou Victor Wembanyama. On peut enfin dire que la France est un pays de sport.

Après votre carrière, pourquoi vous êtes-vous lancé dans les affaires ?
Le monde de l’entreprise est très similaire au monde du sport. Il y a beaucoup de choses qui se ressemblent et c’est ce qui m’anime aujourd’hui. J’essaie de mener tout ça avec ma passion. Tout ce que j’entreprends, ce sont un peu mes passions, je ne compte pas mes heures et je n’ai pas vraiment l’impression de travailler. Quand vous faites des choses qui peuvent avoir un impact sur notre société, tous les jours je me lève et j’apprécie.

Quel est votre plus beau souvenir ?
Dans le sport, c’est mon titre avec l’équipe de France en 2013, un moment inoubliable.
Au niveau privé, c’est la naissance de mes enfants. Je suis papa de deux garçons qui ont 9 ans et 7 ans.

Avez-vous suivi la Coupe du monde de rugby en France ?
Ça a été une compétition fabuleuse. Les Français étaient vraiment derrière cette équipe, avec une vague ultra positive. Je ne regarde pas trop le rugby. J’ai grandi dans une maison américaine et on est plus football américain avec le Super Bowl. Mais j’ai appris à aimer le rugby. Mes enfants aiment bien jouer au rugby. Ils m’ont “forcé” à aller voir un match à Lyon au Groupama Stadium pendant la Coupe du monde. J’ai vu un public incroyable !

C’est simplement dommage comment cette Coupe du monde s’est terminée pour l’équipe de France. Ce n’est jamais facile de rebondir, mais on a les joueurs pour avec un joueur incroyable comme Antoine Dupont. Ils vont continuer à nous faire rêver. Le sport n’est pas une science exacte. Parfois, les meilleures équipes ne gagnent pas.

Après votre magnifique carrière dans le sport, quel est aujourd’hui votre rêve dans le monde de l’entreprise ?
J’ai une approche différente de la vie. J’ai envie de vivre une aventure humaine, de pouvoir choisir mon emploi du temps et passer du temps avec les gens que j’aime. Quand vous êtes sportif, la vie va vite et vous n’avez pas beaucoup de temps pour les gens que vous aimez. J’ai envie de créer des moments de vie et des souvenirs. Au niveau du business, c’est de choisir des projets qui peuvent avoir un impact sur notre société pour que mes enfants vivent dans un monde meilleur.

Quel héritage doivent, selon vous, laisser les Jeux Olympiques de Paris ?
Si je suis arrivé là où j’en suis aujourd’hui et ce qui m’a motivé, les premières images que j’ai vues, c’est la dream team aux JO de Barcelone. Si on veut continuer à être un pays de sport et que la France soit tout en haut, avoir des JO à domicile va créer des souvenirs inoubliables et va, je l’espère, susciter chez d’autres jeunes une motivation incroyable. Les JO, ça va être une grande fête et j’espère qu’on va tous être derrière nos sportifs.

D’où vous vient cette passion pour les chevaux ?
Elle a commencé tout jeune. J’ai grandi en Normandie où il y a des haras partout. Je m’étais toujours dit que si un jour je réussissais j’aimerais bien investir là-dedans. Ce qui est marrant, c’est qu’à 19 ans, je suis drafté à San Antonio, au Texas. Là-bas, ce sont les cowboys, des ranchs de partout. Je ne voulais pas investir dedans pendant que je jouais parce que ce monde-là est un monde de passionnés.

Ce sont de belles aventures humaines. Dès que j’ai pris ma retraite, j’ai créé mon projet en essayant d’apporter une valeur ajoutée au monde hippique. Je suis allé voir tous les grands acteurs, France Galop, etc, tous les grands éleveurs, les meilleurs entraîneurs, et j’ai construit mon équipe en m’entourant. Dès la deuxième année, on a gagné un Groupe 1, c’est comme un titre NBA !

C’était vraiment incroyable. Certains sont dans le milieu pendant 10, 20 ou 30 ans et nous, arriver à gagner dès notre deuxième année, je me suis dit que j’étais vraiment né sous une bonne étoile. Cette adrénaline est vraiment proche de ce que j’ai vécu quand je jouais et je retrouve ça quand je vais à Longchamp.

Avez-vous envie d’être une des figures qui défend le made in France ?
Je suis fier d’être Français. Quand je gagnais un titre NBA, j’avais toujours le drapeau français. Je suis très reconnaissant et je n’oublie pas d’où je viens. Je sais ce que la France m’a apporté, à l’école, avec des coachs. Quand on voit cette fierté des athlètes américains d’être américains, moi je l’ai pour la France ! J’ai toujours essayé de transmettre ça autour de moi.

Quand mes amis me demandent pourquoi j’investis en France où ce n’est pas toujours simple, je leur réponds toujours qu’on a un super beau pays avec beaucoup de potentiel. J’ai envie de faire partie de ceux qui redonnent, d’amener ma pierre à l’édifice et de faire grandir la France.

L’équipe de France de basket a-t-elle une chance de décrocher une médaille aux JO ?
Oui. On a une très très belle équipe. Le fait que Victor Wembanyama rejoigne l’équipe, ça va nous aider. Même si l’année dernière on n’a pas eu un bon résultat à la Coupe du monde, on a quand même enchaîné pas mal de médailles avec notamment une belle médaille d’argent aux JO de Tokyo et une médaille de bronze à la Coupe du monde. A domicile, avec le soutien du public, on a de grandes chances d’avoir une médaille.

Victor Wembanyama peut-il battre le record de Chamberlain et inscrire 100 points dans un match ?
Je ne sais pas ! Le basket, comment il est joué aujourd’hui, ça va beaucoup plus vite, il y a beaucoup plus de possessions, les joueurs shootent de beaucoup plus loin. Luka Doncic vient de marquer 73 points. Si vous m’aviez demandé il y a un an ou deux est-ce que le record de Kobe Bryant de 81 points pouvait être battu, j’aurais dit jamais de la vie !

Là, il y a quand même quatre joueurs qui ont mis plus de 70 points sur les deux dernières saisons. Donc 100 points pourquoi pas ! Les joueurs shootent tellement vite désormais que, peut-être, un jour, on verra quelqu’un battre ce record. De toutes façons, les records sont faits pour être battus.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la Tony Parker Academy ?
C’est un endroit que j’ai voulu créer pour créer des opportunités pour les jeunes. 95% de jeunes qui viennent à l’Academy ne seront pas sportifs de haut niveau. Bien sûr, je m’occupe des 5% qui atteindront l’élite. Mais ce qui est important, ce sont les 95%, et susciter chez eux une autre passion, les exposer le plus tôt possible au monde du travail.

Avec mon expérience et le temps que je passe avec les chefs d’entreprises, je me rends compte qu’ils adorent les profils d’athlètes. On a une grosse discipline, une grande éthique, une grosse capacité de travail. Je suis ambassadeur des métiers d’excellence avec LVMH et en tant qu’ambassadeur je peux avoir accès à tous ces métiers. Tous mes jeunes ont accès à ces métiers-là. Mon job, c’est que quand ils sortent de l’Academy, ils aient un job ! C’est d’ailleurs le slogan de l’Academy : “Come to our Academy and get a job !”

Vous avez investi dans le vin, le sport, l’art de vivre, une station de ski, etc. Y a-t-il une logique dans tous ces investissements et ne craignez-vous pas de vous disperser ?
Mon groupe s’appelle Infinity Nine Group. Infinity parce qu’à l’infini, je ne me suis jamais mis de limites, j’ai toujours rêvé en grand. Nine, c’est mon chiffre et Group parce que c’est basé sur mes passions. Il y a plusieurs branches, la branche sport avec l’ASVEL, l’ASVEL féminin, les chevaux, le ski. Il y a le pôle éducation avec l’Academy à Lyon et celle qui va ouvrir en Ile-de-France en septembre.

Il y a un pôle art de vivre où on retrouve mes investissements dans les vignobles, les boissons. Il y a aussi un pôle avec tous mes investissements dans les start-up dont ma participation dans “Qui veut être mon associé ?” On revient à ma volonté d’aider les jeunes à réussir leurs projets.

Vos fils sont-ils intéressés par le basket ?
Non, ils n’y jouent pas. Ils font du judo et du rugby.

Quel bilan tirez-vous de vos 10 ans à la tête de l’ASVEL ?
Je suis très content de l’évolution, de tout ce qu’on a pu construire avec l’apothéose fin novembre dernier avec l’inauguration de notre nouvelle salle.

Vous avez déjà investi dans pas mal de domaines, mais d’autres vous tentent-ils ?
Pourquoi pas, on regarde toujours. Après, la concurrence est rude. Mais je regarde toutes les opportunités.

Après avoir été une figure du sport, souhaitez-vous en devenir une de l’entrepreneuriat ?
C’est pareil. Le but, c’est d’inspirer et de redonner. Je suis animé par la transmission et je veux laisser une trace avec mon groupe.

Vous avez souvent parler de votre volonté de devenir propriétaire d’une franchise NBA. Où en êtes-vous de ce projet ?
Ça reste dans un coin de ma tête, mais pour l’instant c’est un rêve lointain. Je me concentre sur mes investissements en France.

Propos recueillis par Arnaud Bertrande

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