Si vous êtes dirigeant d’entreprise, préparer sa transmission permet de bénéficier d’un cadre fiscal avantageux et de garantir la pérennité de l’activité.
Une entreprise n’est pas un bien comme un autre. Sa valeur financière à un instant donné peut être prise en compte dans une succession, mais sa valeur économique et patrimoniale se situe dans le temps et la poursuite des activités. Mais celle-ci dépend de l’envie et des capacités de l’un ou l’autre des descendants.
Transmission familiale
Le pacte Dutreil permet de bénéficier d’une réduction substantielle des droits de mutation à titre gratuit en cas de transmission d’une société (titres de sociétés) ou d’une entreprise par donation ou succession.
Il s’agit d’un engagement de conservation collectif de conservation souscrit par le dirigeant d’une entreprise avec les membres de son cercle familial, lui permettant dans des conditions légales de forme et de fond, d’obtenir une exonération à concurrence des 3/4 de la valeur vénale des titres de capital objet du pacte de conservation ou des biens affectés à l’’exploitation d’une entreprise individuelle, sous réserve de respecter des conditions légales de forme et de fond propres à cet engagement.
Il permet également une exonération en matière d’ISF concurrence des 3/4 de la valeur des titres de capital objet de cet engagement de conservation, sous réserve du respect de différentes conditions légales de forme et de fond applicables en la matière.
Différents modes pour la transmission d’entreprise
Dans le cadre d’une transmission familiale, plusieurs options peuvent être envisagées :
– la transmission gratuite de l’entreprise : de préférence dans le cadre d’une donation-partage prenant en compte tous les héritiers ;
– le repreneur reçoit l’entreprise comme un lot et les autres héritent d’autres biens. La valeur des biens transmis est fixée au jour de l’acte ;
– la vente de l’entreprise : il est possible de vendre une entreprise même au sein d’une famille. L’entreprise doit avoir un actif suffisant pour permettre à l’entrepreneur de rembourser le crédit sollicité pour payer le prix de la vente ;
– combiner donation et vente : cette combinaison est possible en vendant la moitié de l’entreprise pour en retirer des capitaux et en donnant l’autre moitié à un héritier.
Faciliter la transmission d’une société
L’associé (ou plusieurs d’entre eux) d’une société exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent, lors de la transmission de leurs parts sociales ou actions, bénéficier d’un abattement des 3/4 de la valeur desdites parts sociales ou actions transmises.
Pour cela, il faut la régularisation d’un acte sous la forme authentique ou sous seing privé contenant un engagement de conservation des titres.
Un engagement collectif de conservation des titres doit être pris :
– pour une durée minimum de 2 ans à compter de l’acte authentique ou de son enregistrement s’il s’agit d’un acte sous seing privé ;
– sur 20% des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par une société cotée, et au moins 34% pour les sociétés non cotées.
Pendant cette période de 2 années, il est impossible de céder des titres à une personne étrangère à l’engagement, qu’elle soit associée ou non.
Cas dérogatoires
Cet engagement collectif de conservation est acquis lorsque le défunt/donateur seul ou avec son conjoint/partenaire pacsé détiennent depuis au moins 2 ans les droits requis pour la régularisation de cet engagement et que l’un des deux exerce depuis 2 ans son activité principale au sein de la société, ou encore, lorsque la société est soumise à l’Impôt sur les Sociétés.
Par ailleurs, un engagement individuel de conservation des titres :
– il est souscrit par les héritiers ou donataires au moment du décès du donateur ou de la donation ;
– il a une durée de 4 ans qui commence à courir à la fin de l’engagement collectif. En l’absence d’engagement pris avant le décès, les héritiers peuvent dans les 6 mois du décès conclure un tel engagement de conservation. Ce dispositif est soumis à une autre condition : celle de l’exercice d’une fonction au sein de la société. Un des héritiers ou donataires, ou encore l’un des associés ayant souscrit l’engagement collectif de conservation des titres, doit pendant 3 ans suivant la transmission, soit exercer une fonction de dirigeant dans la société s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur les Sociétés, soit y exercer son activité professionnelle principale s’il s’agit d’une société de personnes n’ayant pas opté pour l’impôt sur le revenu.
Remise en cause
En cas de non-respect des conditions, ce régime peut être remis en cause. Si l’engagement collectif n’est pas respecté par les héritiers, ces derniers doivent s’acquitter des droits qu’ils auraient dû régler sans le bénéfice de l’abattement des ¾ de la valeur transmise des titres à laquelle s’ajoutent les intérêts de retard.
Cependant, la cession des titres de la société par l’un des héritiers ou donataires ne remet pas en cause cet avantage fiscal pour les autres héritiers/donataires, s’ils poursuivent leur engagement de conservation de leurs titres jusqu’à son terme et s’ils conservent 20% des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis s’il s’agit d’une société cotée, et au moins 34% s’il s’agit d’une société non cotée.
S’agissant de la 2ème condition, si celle-ci n’est pas remplie mais que l’acquéreur s’associe à l’engagement de conservation et que par suite les seuils de 20% des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis s’il s’agit d’une société cotée, et au moins 34% s’il s’agit d’une société non cotée, demeure respecté, alors il n’y a pas non plus remise en cause, à la condition que l’engagement de conservation soit reconduit pour une durée de 2 ans.
Cas de l’entreprise individuelle et de l’EURL
Les entrepreneurs exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent également bénéficier de cet abattement des 3/4 de la valeur des parts sociales ou actions transmises. Il faut que l’entreprise soit la propriété du donateur ou du défunt depuis au moins 2 ans si elle a été acquise à titre onéreux.
En revanche, si l’entreprise a été transmise à titre gratuit ou si elle a été créée, aucune durée de détention n’est requise. Les héritiers doivent s’engager, dans la déclaration de succession, à conserver les biens nécessaires à l’exploitation de l’entreprise pendant 4 ans à compter de la date du décès. L’un des héritiers (ou donataires) doit poursuivre l’activité pendant trois ans à compter de la transmission. Cette obligation peut être exécutée, sous certaines conditions, en transformant l’entreprise individuelle en société.
La transmission au profit d’un salarié
Les dirigeants de petites entreprises rencontrent souvent des difficultés à trouver un repreneur. Pour éviter la disparition de leur entreprise et préserver les emplois, ils peuvent envisager la donation de l’entreprise à un ou plusieurs de leurs salariés. La loi institue, sur option du donataire, un abattement de 300.000 € sur la valeur des actifs donnés.
Au-delà de ce montant, les droits sont dus. Cet abattement ne peut être utilisé qu’une seule fois entre les mêmes donateurs et donataire. Cette réduction s’applique aux donations exclusivement consenties en pleine propriété et portant sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, de clientèles libérales, de parts ou actions d’une société exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale, à concurrence de la fraction de la valeur des titres représentative du fonds ou de la clientèle.
Les salariés bénéficiaires de la donation doivent être titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis au moins 2 ans. Ces salariés doivent poursuivre leur activité professionnelle, à titre exclusif, pendant les 5 années qui suivent la date de la donation et l’un d’entre eux doit assumer, pendant la même période, la direction effective de l’entreprise. Le donateur doit détenir l’entreprise depuis plus de deux ans lorsqu’il l’avait acquise à titre onéreux.
Cas particulier de l’entreprise agricole
En attendant le règlement, les héritiers sont copropriétaires ou coindivisaires de la succession, avec les mêmes droits. Seul le partage permet de sortir de cette situation.
En matière d’exploitation agricole, la loi a prévu 2 situations pour sortir de cette situation :
– l’attribution préférentielle : cette modalité de partage de succession ou de communauté consiste en la remise de ce bien, intégralement, à un copartageant alors même qu’il n’y a pas, pour les autres, dans la masse partageable, de bien équivalent ou même de valeur équivalente (auquel cas on équilibrera par une soulte). Le but est d’éviter le morcellement du bien et d’assurer la continuité de la gestion de l’exploitation. Ne sont concernés par l’attribution préférentielle que les biens appartenant en propriété au défunt : terre, bâtiments, matériel, cheptel, fournitures diverses…
– le droit au salaire différé : l’aide familiale ou son conjoint survivant qui a travaillé sur l’exploitation agricole sans aucune contrepartie, a droit à une rémunération dite «salaire différé» qui est à prélever avant partage sur la succession. Si les parents n’ont pas souhaité verser cette créance de leur vivant (exemple : lors d’une donation-partage ou d’une installation), la créance de salaire différé devient une dette de la succession. La demande de ce salaire doit donc intervenir avant le partage définitif de la succession ou au moment de son ouverture.
Ainsi, ce salaire s’ajoute aux droits successoraux de l’enfant qui a fait prospérer l’exploitation familiale sans tirer de revenu de son travail.
Le bénéficiaire doit remplir trois conditions pour obtenir le salaire différé :
– être âgé de plus de 18 ans ;
– avoir participé directement et effectivement aux travaux de l’exploitation. C’est-à-dire que le travail sur la ferme ne doit pas être occasionnel ;
– ne avoir été rémunéré : le fait d’être nourri, logé, et de recevoir un peu d’argent de poche ne fait pas obstacle au versement de la dette. Pour prouver cette participation bénévole tous les moyens sont autorisés : écrits, témoignages, statut d’aide familial…
Le paiement du salaire différé peut intervenir de différentes manières. En effet, celui-ci peut être réalisé en espèce, ou en nature par l’attribution d’un bien de la succession. (Exemple : la remise de matériels, de terres, de bâtiments…). Pour éviter les conflits lors de la succession, il est donc parfois intéressant de payer ce salaire différé de son vivant dans le cadre d’une donation-partage. Quelle que soit votre décision, n’hésitez à interroger vos conseillers au moment du partage ou de la succession pour faire valoir vos droits.