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« Un toit pour tous »


Par Michel Platero, Président de la FNAIM du Grand Paris, et Philippe Le Gall, Président Délégué régional Ile-de-France et Président de la Croix Rouge Ile-de-France Tribune. La crise sanitaire exceptionnelle que nous traversons laisse présager une aggravation importante de la situation des sans-logis. Cette question devrait être au cœur du...

Entreprendre - « Un toit pour tous »

Par Michel Platero, Président de la FNAIM du Grand Paris, et Philippe Le Gall, Président Délégué régional Ile-de-France et Président de la Croix Rouge Ile-de-France

Tribune. La crise sanitaire exceptionnelle que nous traversons laisse présager une aggravation importante de la situation des sans-logis. Cette question devrait être au cœur du débat public.

Les mesures déployées jusqu’ici n’ont pas permis d’enrayer cette crise sociale et humaine, malgré les engagements des gouvernements successifs. Partie prenante des immenses efforts consentis par les organisations de solidarité et les acteurs publics, nous souhaitons apporter notre réflexion commune et mettre en avant des propositions qui contribueraient à améliorer l’efficacité des réponses à l’urgence et à l’ampleur de la crise.

Michel Platero, Président de la FNAIM du Grand Paris

D’après l’enquête « Sans-domiciles 2012 » de l’INSEE, 143 000 personnes étaient sans domicile en France, soit alors 50% de plus qu’en 2001 (date de la précédente étude INSEE). Huit ans plus tard, une étude de la fondation Abbé-Pierre publiée le 30 Janvier 2020 recensait près de 300 000 personnes sans domicile. Les sans-abris, les personnes qui vivent dans la rue, représenteraient 10% des sans domicile, soit près de 30 000 personnes.

La commune de Paris et la région Île-de-France sont particulièrement touchées par cette aggravation exponentielle : Paris est la ville qui compte le plus de SDF, et près de la moitié des personnes sans domicile vivrait en Île-de-France.

Avec la crise sanitaire, la situation s’aggrave encore. Le rapport d’activité 2020 du Service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO) du Val-de-Marne, géré par la Croix-Rouge française, montre que, cette année-là, le nombre d’appels au 115 a bondi de plus de 20%. La crise sanitaire a provoqué une précarisation accrue des personnes en situation de fragilité économique, professionnelle et sociale. La Croix-Rouge française a constaté une augmentation considérable du nombre de personnes de 41 à 60 ans en situation de détresse : en 2019, elles représentaient 23 % des personnes rencontrées dans le Val-de-Marne, en 2020 elles étaient 59%. La proportion de personnes âgées de plus de 61 ans passait de 13% en 2019 à 25% en 2020.

La grande majorité des personnes sans domicile fixe est sans emploi depuis plusieurs années. Elles naviguent de centres en centres, d’hôtels en hôtels, et parfois, sur des périodes variables, retrouvent un logement fixe. Mais, selon l’étude INSEE de 2012 et contrairement aux idées reçues, 25% des SDF de moins de 65 ans travaillaient et près de 14% des SDF avaient fait des études supérieures. Le risque de plonger dans une situation dramatique touche les catégories socio-professionnelles qu’on pensait pourtant hors de danger.

Les demandes d’hébergement auprès du SIAO du Val-de-Marne ont bondi de 50% en 2020 par rapport à 2019. Alors que 60% des demandes débouchaient sur une solution en 2019, moins de la moitié des demandes a trouvé une réponse positive en 2020. Ces données, issues du rapport d’activité du SIAO 94, témoignent des tendances en Île-de-France : rapportées à la région, ce furent, en 2020, près de 12 000 appels de détresse par jour en Île-de-France. On le voit : la crise s’accentue de façon dramatique.

Aujourd’hui, les pouvoirs publics dépensent des sommes immenses, toujours plus importantes chaque année, pour payer des nuitées en hôtels dit « préfecture », qui se multiplient sur le territoire et ne fournissent qu’une réponse précaire, insuffisante et onéreuse.

La FNAIM du Grand Paris et la Croix-Rouge française proposent aux autorités publiques franciliennes en charge de la lutte contre les exclusions d’expérimenter dès maintenant des modalités alternatives venant compléter les politiques publiques.

Aucune personne sans domicile n’a la même manière d’appréhender le travail, la reprise de la vie sociale, les interactions humaines, ni même la question du logement. Il faut systématiquement adapter l’accompagnement et la prise en charge, pour réussir la réinsertion ; celle-ci passe, par-dessus tout, par les aider à trouver un toit. Alors, plutôt que de choisir, faute de solutions, de financer des « hôtels préfecture », investissons dans la construction et la réhabilitation de logements pour les personnes sans domicile et sans-abri.

Philippe Le Gall, Président Délégué régional – Ile-de-France

Nous proposons une expérimentation régionale, inspirée du programme « Housing First » (Logement d’abord) tel qu’il est mis en œuvre dans l’Utah (États-Unis) depuis 2004, avec des résultats probants, offrant une solution de logement aux personnes sans-abri, tout en maîtrisant les dépenses d’argent public. L’aide ne serait conditionnée qu’à la seule justification de ne pas être en capacité de se loger.

La détermination du coût total pour la collectivité de chaque personne sans domicile, incluant les dépenses relatives à l’hébergement d’urgence mais aussi à la santé, la sécurité, l’hygiène, la nourriture, l’organisation de l’accueil et de l’accompagnement, etc., permettra de déterminer le niveau d’investissement pertinent afin d’engager dès maintenant la construction ou la transformation de logements adaptés. Il s’agit par conséquent de maintenir les aides et dispositifs actuels tout en se dotant d’une programmation ambitieuse à moyen et long terme permettant de mettre fin progressivement à la dérive des dépenses.

La Croix-Rouge d’Ile-de-France est déterminée à s’engager, en coopération avec les institutions compétentes, dans cette expérimentation au sein d’un schéma d’insertion et de prise en charge adapté. Les professionnels de la FNAIM du Grand Paris sont prêts à partager leur expertise pour aider à l’identification des zones aux capacités importantes en matière de logements ou au foncier accessible et à la gestion des logements dédiés.

La coopération et la détermination sont les seules voies possibles pour réussir là où nous échouons tous jusqu’ici. Nous voulons sortir du « court-termisme » et impulser une nécessaire réorientation des efforts et des crédits. C’est la voie de la solidarité.


Notes : Service intégré de l’accueil et de l’orientation SIAO  https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2014/10/dihal_-_annuaire_siao_ecran.pdf

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