Au sein du groupe Fimalac dirigé par Marc Ladreit de Lacharrière, avec un chiffre d’affaires de presque 550 millions d’euros, Webedia continue sa progression en France comme à l’international. Une croissance record, contrôlée d’une main de fer par une chef d’entreprise, experte de la finance, Véronique Morali, présidente du directoire de cette licorne de l’entertainment digital.
Imaginiez-vous un tel parcours de chef d’entreprise quand vous étiez à l’Inspection générale des finances ou est-ce votre rencontre avec Marc Ladreit de Lacharrière qui a été déterminante ?
Véronique Morali : On ne connait jamais à l’avance son destin, c’est l’essence même de la vie ! Le fait d’intégrer l’Inspection générale des finances, l’un des corps les plus prestigieux de l’Etat, était déjà pour moi un accomplissement après de longues études. C’est vrai que ma rencontre avec Marc de Lacharrière a été déterminante, puisque j’ai été la première salariée de Fimalac. A ses côtés, j’ai laissé grandir en moi cette fibre entrepreneuriale. Ces vingt ans de construction et de développement du groupe Fimalac en France comme à l’international ont été pour moi un cycle d’apprentissage très complet. Puis, j’ai décidé de me lancer seule dans la création et l’aventure de Terrafemina, une expérience sans laquelle il n’y aurait pas eu Webedia ensuite. Depuis 2013, nous développons à trois cette stratégie de build-up, initiée par Marc de Lacharrière, puisque je travaille en binôme avec Cédric Siré, le fondateur et directeur général de Webedia.
Parallèlement, pourquoi vous être autant investie dans les réseaux pour l’entrepreneuriat au féminin ? Pour transmettre à votre tour ?
V.M. : C’est vrai. J’ai eu cette chance d’être accompagnée dans mon apprentissage entrepreneurial et j’ai eu envie de transmettre à mon tour. Il y avait très peu de femmes à l’Inspection générale des finances, très peu dans la finance en général et dans les grands groupes. C’est pourquoi, je me suis d’abord investie pour qu’il y ait plus de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises françaises. Puis, j’ai démarré l’aventure de Force Femmes, que je préside aujourd’hui, avec Anne Méaux et d’autres femmes chefs d’entreprises, pour non seulement aider au retour à l’emploi des femmes, mais aussi les accompagner à créer leur petite entreprise. Après avoir déjà suivi 35 000 femmes sur ces deux axes, nous irons encore plus loin début 2020 en conseillant toutes celles qui ont franchi le cap symbolique des trois ans d’activité.
Comment expliquez-vous une telle croissance de Webedia qui va passer en un an de 400 à près de 550 millions d’euros de chiffre d’affaires ?
V.M. : Nous avons en effet une philosophie de croissance très soutenue, demandée par notre actionnaire, car cette stratégie de build-up, est clairement « la » marque de fabrique de Marc de Lacharrière et du groupe Fimalac. Mais même si cette stratégie de croissance est forte, elle n’en est pas moins très équilibrée, puisqu’elle est basée d’une part sur la rentabilité de nos activités, tant en France qu’à l’international, mais aussi sur un véritable équilibre entre croissance organique et acquisitions. Autre facteur de notre succès, nous ne nous éparpillons pas, puisque nous sommes avant tout un groupe d’entertainment, un media publisher, avec des thématiques très verticales (cinéma, gaming, cuisine et tourisme).
Rapprochement avec Elephant et prise de participation dans LOV Group en 2019, quelle place joue la production télévisée dans votre stratégie ?
V.M. : Pour nous développer, nous travaillons sur trois fronts : en tant que media publisher (avec nos 60 sites : Allociné, Purepeople, Jeuxvideo.com, Millenium, ES1, 750g.com, Easyvoyage, Tudo Gostoso, Adorocinema, Sensacine, Xataka, Filmstarts, Moviepilot, Gamestar…), en tant que producteur de contenus télévisuels originaux et en tant que fournisseur de services aux marques. Le rapprochement avec Elephant est donc sur le deuxième front, c’est-à-dire la production de contenus télévisuels premiums qui peuvent intéresser les plateformes internationales de diffusion. Webedia étant particulièrement actif et performant sur la cible des Millenials grâce au digital et à tous nos influenceurs (Talent Web, comprenant notamment Vanoss, Cyprien, Squeezie, Norman, Natoo, El Rubius, Willy Rex…), l’idée c’est ensemble avec Elephant de ramener ces enfants du digital vers la télévision.
Le troisième front, ce sont donc les services aux marques, d’où
votre partenariat initié dès 2015 avec Tradelab ?
V.M. : Nous avons sur cet axe des services déjà 400 personnes qui travaillent en France et à l’international pour proposer aux marques des contenus à forte valeur ajoutée, des programmes, de la data et toutes formes de technologies et d’outils. D’où en effet notre accord stratégique avec la plateforme Tradelab pour exploiter les données de nos différentes verticales, et offrir ainsi aux agences média et à nos annonceurs captifs un ciblage et une extension d’audience sans égal. En combinant la connaissance très fine des usages des consommateurs collectés par Webedia sur nos sites thématiques (cinéma, gaming, cuisine, tourisme…), les algorithmes de modélisation d’audience de Tradelab, ainsi que les technologies d’achat et d’optimisation, nous offrons une nouvelle résonance à l’achat programmatique permettant ainsi aux annonceurs et aux agences d’accéder à une couverture incomparable de profils qualifiés.
Quelle est votre positionnement vis-à- vis des GAFA et votre stratégie face à la montée de l’IA ?
V.M. : Nous n’irons pas sur tous les terrains ! Webedia a choisi d’être complémentaire des GAFA et non concurrent, car notre force c’est d’être très verticaux, toujours en lien direct avec les utilisateurs de nos contenus. Aujourd’hui, au cœur de la donne de l’intelligence artificielle, notre véritable spécificité c’est notre capacité à suivre et cibler ceux qui aiment les jeux, ceux qui aiment les recettes, ceux qui aiment les voyages. Nous avons donc clairement choisi cette voie des affinités et des verticales.
Quelle est votre ligne directrice pour les deux années à venir ?
V.M. : Continuer à mettre l’accent sur le développement international, notamment en Amérique latine, aux Etats-Unis, sur des marchés à la fois complexes et lointains. On commence aussi à regarder du côté de l’Asie. Par ailleurs, on mise à fond sur tous les aspects marketing de l’influence, avec la création d’un réseau international d’influenceurs et de youtubeurs. Webedia poursuivra sa stratégie de croissance et de build-up de manière équilibrée. Nous sommes à la fois dans une belle mouvance et dans l’air du temps.
Resterez-vous coûte que coûte un groupe français ?
V.M. : Chez Webedia, on défend haut et fort les couleurs de la France. C’est notre fierté. Nous sommes un groupe fortement ancré sur le territoire français avec 1 500 collaborateurs dans l’Hexagone. Pour l’instant, il n’est pas question que ça change !
Propos recueillis par Valérie Loctin