De la pandémie jusqu’à la guerre en Ukraine et le retour de l’inflation, l’économie immobilière est irrémédiablement soumise aux politiques monétaires et aux flux mondiaux. Ainsi, les prix et les ventes ont augmenté démesurément dans les pays développés après-COVID avec des taux d’intérêt historiquement bas ; puis les prix décélèrent et les ventes chutent en 2022 avec des taux d’intérêt d’un niveau record depuis 10 ans.
Le ministre en charge du logement, Patrice Vergriete, lors d’une conférence dans le cadre du Cercle des Managers Immobiliers, lance une alerte : « En France il y a un décalage massif entre l’évolution de l’immobilier et le pouvoir d’achat des ménages. Cela fait longtemps que l’on s’inquiète de cet état comme d’une sorte de bulle. Cette bulle spéculative, le jour où elle éclate, la crise est grave et c’est ce que l’on vit aujourd’hui. » Le ministre met en exergue la possibilité d’un krach résultant d’un effondrement des prix immobiliers, ce que les américains appellent « le cygne noir ».
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Mais qu’est-ce qu’une bulle spéculative ?
La bulle est nourrie par la spéculation, c’est-à-dire lorsque l’acquéreur investit dans l’espoir de réaliser un fort profit. Elle peut également survenir dans le cas d’un afflux d’offres, par exemple, une surproduction de logements, ou d’une crise de l’emploi avec des ménages qui ne font plus face aux échéances de leur prêt. La bulle éclate lorsque les valeurs sont tellement disproportionnées que tout le monde souhaite vendre. Ce n’est pas la situation dans laquelle nous nous trouvons : il y a certes un décalage entre les prix et le pouvoir d’achat des acquéreurs mais le marché n’est pas spéculatif.
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La hausse des taux rend-elle les prix abordables ?
Selon la Banque centrale européenne (BCE), la solution pour rendre le prix des logements abordables est d’augmenter les taux hypothécaires, et raréfier la demande en diminuant le pouvoir d’achat des acquéreurs. Cela ne fonctionne pas : malgré l’augmentation des taux depuis plus d’un an, force est de constater dans le monde entier que les prix ne baissent pas en proportion.
La BCE a relevé ce 14 septembre son taux d’intérêt de référence à 4,75 %, son plus haut niveau depuis la création de l’euro. Christine Lagarde reste sur son crédo, lutter contre l’inflation, au risque d’une récession économique. En zone euro, l’inflation est certes en recul, à 5,5 % sur un an en juin, mais ce chiffre reste très au-delà de l’objectif de 2 % fixé.
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La conjoncture immobilière dans le monde
Partout dans le monde, le niveau des stocks reste bas en raison du déficit de construction neuve et de l’attentisme du marché de l’achat-revente dans l’existant. Le marché global n’est pas un marché spéculatif, comme cela a pu l’être en France dans les années 1990, et les prix sont résilients. Une portion importante de propriétaires ne négocie pas le prix de mise en vente ; les mises en vente sont ralenties par les propriétaires qui ne s’engagent pas avec un crédit plus cher. Dans le même temps, la part de financement sans prêt augmente. Les locataires à revenus moyens ou les primo-accédants se voient interdire l’accès à la propriété. Plutôt qu’un effet « cygne noir », on crée les conditions idéales pour une nouvelle fracture sociale.
Les variations régionales sont plus ou moins marquées, mais les tendances en cette fin 2023 sont très similaires. Aux États-Unis, sur les cinq premiers mois de 2023, les prix moyens ont repris 10 %, certes avec une baisse de 6 % à la même époque en 2022. Le nombre de ventes y accuse -2 %, ce qui représente tout de même 8 millions de logements. En France, selon les chiffres officiels des notaires au deuxième trimestre 2023, les prix ont augmenté de 0,5 % sur un an, avec -15 % de volume de ventes dans l’existant, – 34 % dans le neuf. En Allemagne, les prix chuteront de 3,5 % en 2023. Au Royaume-Uni les valeurs devraient chuter d’environ 3 %, avec un nombre de ventes de logements finalisées au cours de 2023 inférieur de 21 % à celui de 2022, niveau le plus bas depuis 2012. Au Canada les prix ont chuté en moyenne de 4 %, avec une chute du nombre de ventes de 13 %.
Quel scénario pour 2024 ?
Le problème actuel du logement – et c’est mondial – est la pénurie d’offre. Il y a une pénurie d’environ 4 à 5 millions de logements en Amérique depuis 2019. On estime, pour la France et l’Allemagne, à 400.000 les besoins de logements neufs par an. Cet objectif est loin d’être atteint. « Cela est dû à une croissance de la population et de l’emploi qui a dépassé la construction de nouvelles maisons », a déclaré Lawrence Yun, l’économiste de la National Association of Realtors. « Ensuite, la pénurie s’est aggravée au cours de la première année du boom immobilier dû au COVID-19, car beaucoup souhaitaient profiter des taux d’intérêt historiquement bas. La pénurie s’est intensifiée lorsque les taux hypothécaires ont grimpé en flèche en raison du refus des propriétaires de vendre et de perdre l’avantage de leurs taux bas bloqués. »
Lawrence Yun voit deux scénarios futurs se jouer en fonction de divers facteurs.
Le premier est « un certain apaisement » de l’économie et de l’inflation, qui pourrait conduire à une légère baisse des taux hypothécaires et à l’arrivée d’un plus grand nombre d’acheteurs sur le marché. Cela dépendrait également de l’intensification de la construction par les promoteurs et de la rénovation de logements existants.
Les prix de l’immobilier ne s’effondreront pas dans ce scénario », a déclaré Yun. « La croissance des prix de l’immobilier dépendra de la capacité des constructeurs d’habitations à apporter une offre suffisante sur le marché. »
L’autre scénario est celui où une récession économique entraîne des pertes d’emplois et, par conséquent, une vente forcée de maisons et une perte de confiance des consommateurs. Cela entraînerait également des taux d’intérêt beaucoup plus bas, et environ 70 à 80 % des ménages ayant un emploi stable pourraient profiter de ces taux.
« Nous n’assisterons pas à une répétition du krach du marché immobilier de 2008 à 2012. Il n’y a pas de prêts hypothécaires à risques qui pourraient imploser, ni la combinaison d’une offre excédentaire massive et d’une surproduction de logements », a-t-il déclaré.
Le marché immobilier actuel n’est pas spéculatif, les prix se justifient par une demande élevée avec la pénurie de biens sur le marché. La politique monétaire des banques centrales n’a qu’un effet marginal sur le prix des logements. L’ajustement se réalise sur le volume des ventes. Il s’ensuit un effet d’exclusion à la propriété immobilière d’une partie de la population à revenus moyens. A se tromper sur les causes, on se trompe sur les remèdes. Les pouvoirs publics doivent être extrêmement attentifs au soutien de la dynamique du logement et à l’investissement privé.
André Perrissel
World Property Business Club
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