Grâce aux 58 millions d’euros levés en janvier dernier, le leader européen de la vente de vêtements de luxe d’occasion entend croquer le monde.
Frustré d’imaginer les millions de vêtements et accessoires qui dorment dans les placards après leur achat sur le circuit primaire, Sébastien Fabre, 46 ans, ex directeur chez Vivendi, Bouygues Telecom, Microsoft et Netclub.com, troque son costume de dirigeant pour celui d’entrepreneur, vend son appartement, et lance Vestiaire Collective en octobre 2009, à Levallois-Perret.
Sur son site qui s’appelle d’abord Vestiaire de Copines, le jeune patron et ses associés (Alexandre Cognard, Henrique Fernandes, Sophie Hersan, Christian Jorge et Fanny Moizant) font le choix de ne proposer que du luxe, de la veste en tweed Chanel au sac à main Balenciaga. Et contre toute attente, le succès est immédiat !
Croissance éclair
«Nous avons été surpris par la rapidité d’engagement des acheteurs et des vendeurs», se souvient-il. Le concept marche si bien que la place de marché propose très vite une large sélection de produits mode et dans l’air du temps. «Cela nous a permis de convaincre des business angels, puis des fonds d’investissements de nous soutenir». Depuis sa création, Vestiaire Collective a ainsi levé 116 M€ auprès de Zadig & Volaire, Ventech, Balderton Capital, Condé Nast International, Idinvest Partners, Eurazeo et Vitruvian Partners !
D’abord réservé aux consommateurs français, le site bénéficie d’un «effet de halo» et touche les acheteurs des pays limitrophes dès 2010. Aujourd’hui, près des ⅔ des transactions de la plate-forme s’effectuent de manière transfrontalière entre acheteurs et vendeurs de pays différents. Et grâce au lancement de l’application, toujours en 2010, Vestiaire Collective réalise 70% de son trafic sur mobile et tablette pour 60% de ses transactions.
«Quand on sait qu’il y a chaque jour 10 fois plus de téléphones activés que de naissances dans le monde, il fallait vite s’approprier ce support», commente l’entrepreneur. Grâce à une internationalisation précoce et à une digitalisation optimale, le volume d’affaires de l’entreprise atteint 27 M€ en 2013, double en 2014 pour culminer aujourd’hui à 100 M€ !
Le nerf de la guerre
«Nous refusons 30% des modèles proposés à la vente sur notre site», déclare Sébastien Fabre. Ça n’a l’air de rien, mais le contrôle qualité proposé sur Vestiaire Collective fait toute la différence. En effet, c’est la seule plate-forme CtoC sur laquelle 100% des articles vendus sont physiquement vérifiés par une équipe d’experts, parfois issus de marques de luxe ou de maisons d’enchères. Un gage de confiance qui fait mouche quand on s’apprête à dépenser 200 ou 300 € pour un vêtement déjà porté…
«C’est la brique qui construit Vestiaire Collective», assène Sébastien Fabre, «indispensable pour être crédible en CtoC. Nous ne ferons jamais de concession sur cette étape, et c’est pour cela que les investisseurs continuent à nous suivre… contrairement à d’autres sites».
Dans la pratique, le site reçoit les vêtements des particuliers, les contrôle, retouche les photos, gère les ventes et se charge de l’expédition. Du coup, les prix des 600.000 pièces du catalogue, entre 30 et 70% moins chers que le neuf, sont plus élevés que sur eBay ou Leboncoin.fr, mais permettent au site de prélever une commission de 25% en moyenne sur le prix de vente HT. «La TVA reste à la charge de Vestiaire Collective, et croyez-moi, elle pèse !», regrette le P-DG.
Dans son business model, la place de marché intègre d’autres services comme le paiement en 3 fois sans frais (avec des frais de dossier de 1,4%) et l’option Make me an offer qui permet aux acheteuses de faire une offre à la baisse sur un produit. Pour sa part, l’offre Premium permet aux vendeuses d’être prioritaires, aux acheteuses de ne pas payer de frais de port et de voir les articles avant même qu’ils soient mis en ligne, «une part importante de notre chiffre d’affaires, 10% environ», estime le dirigeant.
Coup d’accélérateur
Avec les 58 M€ levés en janvier 2016 auprès de Vitruvian Partners (un fonds britannique qui réalise son premier investissement en France dans le cadre de son intérêt croissant pour les entreprises innovantes tricolores), Eurazeo et Idinvest Partners, actionnaires historiques, Vestiaire Collective nourrit de grandes ambitions.
«Cette nouvelle levée de fonds très significative est le signe de la confiance de nos investisseurs anciens et nouveaux, dans le modèle Vestiaire Collective et dans la capacité de l’entreprise à poursuivre sa formidable croissance à l’international», commente Sébastien Fabre. Cet apport de capitaux doit en effet lui permettre de continuer sa croissance organique et non organique, de consolider sa position de leader en Europe et de poursuivre sa croissance éclair aux États-Unis où elle n’est présente que depuis 18 mois.
«D’ici fin 2017, nous sommes bien partis pour devenir le 3ème acteur du marché américain. Désormais, notre ambition est de prendre de fortes positions dans les nouvelles zones clés que sont l’Asie et l’Océanie», poursuit le P-DG, qui envisage déjà des acquisitions pour pénétrer ces marchés.
L’entreprise a prévu d’embaucher de nouveaux collaborateurs pour accompagner son internationalisation, renforcer ses équipes techniques et ouvrir un nouveau centre logistique en région, afin de répondre à la forte croissance des transactions sur la plate-forme. Au total, Vestiaire Collective devrait créer cette année 120 emplois en France et à l’étranger.
La concurrence peut se rhabiller
CA : 100 M€
6 millions de membres
600.000 pièces en vente
65% du CA réalisé hors France
2 centres logistiques (région parisienne et New York), un troisième en projet
200 salariés
116 M€ levés depuis 2009
Capital : Sébastien Fabre, Vitruvian Partners, Eurazeo et Idinvest Partners
Concurrence : Vide-Dressing, Le Bon Coin, Ebay, RealReal…