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Vie chère en Martinique : « Il n’existe aucune preuve de la responsabilité des distributeurs alimentaires »


Alors que la Martinique est en proie à une crise économique et sociale, Patrick Plantard, président des Observatoires des prix de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, détaille les causes profondes de cette situation et avance des solutions pour y remédier.

Fort de France

La Martinique traverse une crise économique majeure qui s’est transformée, depuis plusieurs semaines, en contestation politique, parfois violente, autour de la thématique de la vie chère. La vie chère est-elle une réalité ?

La vie chère en Martinique, c’est-à-dire la différence de prix entre l’île et la métropole, est une réalité incontestable. Selon l’étude spatiale des prix 2022 de l’INSEE, réalisée tous les cinq ans, les prix en Martinique sont en moyenne supérieurs de 14 % par rapport à l’Hexagone, avec de fortes disparités selon les produits et les services. C’est notamment le cas des produits alimentaires pour lesquels le différentiel atteint 40 %.

Quels sont les facteurs pouvant expliquer la cherté de la vie en Martinique ?

Trois facteurs expliquent le différentiel de prix. Tout d’abord, l’éloignement géographique. Il est nécessaire de traverser l’Atlantique pour acheminer les produits depuis l’Europe, ce qui génère des coûts supplémentaires. Le deuxième facteur est l’étroitesse du marché de la Martinique qui compte 350 000 habitants et clients potentiels. Les coûts de production locaux sont donc élevés car les amortissements des entreprises s’opèrent sur un nombre de clients réduits.

Enfin, troisième facteur, une fiscalité locale complexe et instable (quatre octrois de mer) qui nécessite des intermédiaires rémunérés.

« En Martinique, entre la sortie d’usine d’un produit et sa mise en rayon par le distributeur, il y a entre douze et quinze intermédiaires »

Les distributeurs alimentaires sont souvent décrits par certains opposants comme les principaux coupables de la crise économique en Martinique. Approuvez-vous cette analyse ?

A ma connaissance, il n’existe aucune preuve permettant de dire que les distributeurs alimentaires sont responsables de la vie chère. Dans l’Hexagone, entre la sortie d’usine d’un produit et sa mise en rayon par le distributeur, on compte en moyenne cinq intermédiaires. En Martinique, on en dénombre entre douze et quinze. Chaque intermédiaire se rémunère pour le travail effectué. En Martinique, les marges des quinze intermédiaires s’additionnent, contre seulement cinq en métropole. Selon une étude de l’Autorité de la concurrence de 2019, les marges pratiquées par chaque intermédiaire sont de même niveau dans l’Hexagone et en Martinique.

Quelles solutions pourraient être mises en œuvre pour sortir la Martinique de la crise ?

Pour réduire les prix, il est nécessaire d’agir sur les trois causes du différentiel de prix. Les accords signés en novembre 2024 visent à réduire les coûts d’acheminement (continuité territoriale), réduire les marges de chaque intermédiaire et supprimer les taxes sur les produits alimentaires (quatre octrois de mer et TVA déjà réduite en Martinique).

Pensez-vous que la réponse des pouvoirs publics, comme le récent protocole d’accord signé entre les collectivités locales et les acteurs privés, soit suffisante pour faire face à la crise actuelle ?

Le protocole signé entre l’Etat, les collectivités territoriales et les entreprises est un premier pas d’envergure visant à réduire les prix des denrées alimentaires de 20 % en moyenne. Cette démarche expérimentale permettra d’alimenter les réflexions pour faire évoluer le système actuel.

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