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Vigilants et expérimentés : en France aussi, la forêt a ses gardiens


La COP28, qui avait lieu à Dubaï et a pris fin le 12 décembre dernier, a été ces dernières semaines et à juste titre au premier plan de l’actualité internationale. En amont, la scène médiatique avait connu une séquence de sensibilisation singulière, par la mise en lumière des « gardiens » des forêts primaires, cinq activistes emblématiques de la lutte contre la déforestation mondiale.

Entreprendre - Vigilants et expérimentés : en France aussi, la forêt a ses gardiens

Une séquence qui a certes mis le doigt sur des dérives d’une importance critique, mais qui participe malgré elle au brouillage de la perception des pratiques locales. En effet, les « gardiens » tricolores œuvrent au quotidien pour que ces dérives restent aux portes des frontières françaises et pour permettre au couvert forestier de gagner du terrain, chaque année. Si la France tire son épingle du jeu et s’impose comme une référence dans le panorama mondial, c’est qu’elle bénéficie d’une longue expérience en matière de gestion durable, qu’elle conjugue au savoir-faire de sa filière forêt-bois.

L’appel déchirant des gardiens des forêts primaires

« Ce ne sont pas des contes, on voit les rivières qui s’assèchent, les forêts brûlées, la contamination de l’eau des rivières, les poissons qui meurent. C’est sous nos yeux à nous, et on est ici pour avertir, pour vous dire ce qu’il se passe ». Ce discours puissant est signé Benki Piyako, « gardien » de la forêt amazonienne. Fin novembre 2023, la France l’a reçu, lui et quatre autres « gardiens » des forêts primaires du globe, avant leur départ pour la COP28. Amazonie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Canada, Mongolie, Gabon : chaque forêt a désigné un représentant, pour alerter sur les dangers qui menacent ces écosystèmes cruciaux.

Héros d’une série documentaire d’Arte, Gardiens de la forêt, ces cinq activistes ont multiplié les interventions à Paris : conférence de presse à l’UNESCO, soirées de discussion avec le grand public, invitations à la radio et à la télévision, et même le 20h de TF1, le 25 novembre. Avec, toujours, en arrière-plan, ce constat dramatique : entre 1990 et 2020, la surface forestière mondiale a diminué de 178 millions d’hectares (420 millions d’hectares de déforestation, moins 242 millions d’hectares de surface regagnée par la forêt), soit une perte de plus de 4 %.

En France, une reforestation en marche

La France aussi a ses « gardiens » des forêts : la filière forêt bois dénombre plus de 3,5 millions de membres, qui œuvrent quotidiennement, sur le sol français, contre le recul de la forêt. Entre 1985 et 2020, la surface forestière française est ainsi passée de 14,1 millions d’hectares à 16,9 millions d’hectares : cette hausse de 2,5 millions d’hectare représente environ 1 % des gains mondiaux de couvert forestier sur la période[1], alors que la France ne possède que 0,34 % de la surface forestière mondiale. Peu de pays peuvent se targuer d’une telle reforestation.

En France, la couverture forestière et le stock de bois vivant sont en hausse constante. Selon le dernier inventaire forestier national (IFN) de l’IGN, les forêts françaises occupent 17,3 millions d’hectares en 2022, soit 31 % du territoire métropolitain. Ce total n’avait plus été atteint depuis le début du Moyen-Âge. Cette couverture forestière, dont la croissance n’a jamais été aussi forte, est aussi, grâce aux actions de la filière bois-forêt, la plus diversifiée d’Europe, avec 190 essences d’arbres différentes.

Mieux encore, ces « gardiens » œuvrent à une hausse notable de la densité de nos forêts, en favorisant davantage d’arbres par parcelle. Entre 1985 et 2022, dans les forêts françaises, le stock de bois vivant par hectare est ainsi passé de 137 m³ à 173 m³ en moyenne. Sur la même période, le stock de l’ensemble du territoire métropolitain a bondi de plus de 50 %, de 1,8 milliard à 2,8 milliards de m³. Ces efforts rejaillissent logiquement sur le puits de carbone de la forêt française : il atteint aujourd’hui 81 tonnes de CO2 par hectare, contre 58 tonnes seulement en 1981.

Les gardiens des forêts françaises conjuguent la déforestation au passé

Si notre filière est si experte aujourd’hui, c’est que la France a connu ces expériences de déforestation. Entre le néolithique et la Révolution française, la surface forestière s’est effondrée :

– 50 millions d’hectares en – 6 000 (90 % du territoire métropolitain actuel) ;
– 30 millions d’hectares à la conquête romaine (54 % du territoire) ;
– 13 millions d’hectares au XIIIème siècle (23,5% du territoire) ;
– 6 à 7 millions d’hectares en 1789 (10 à 12 % du territoire).

Témoins des impacts d’une utilisation du bois sans retenue et conscients que nos ressources sont précieuses et non infinies, la dynamique s’est rapidement inversée. Entre 1789 à 1827, la France s’est dotée d’une administration et d’une réglementation forestières nationales, aboutissant notamment au premier Code forestier de 1827. Ces ancêtres de nos organismes publics actuels ont fourni au pays ses premiers « gardiens » officiels, chargés de prendre soin de la santé et de la croissance de nos forêts. Depuis, cette filière forêt-bois a connu un essor aussi soutenu que la reforestation qu’elle encourage. Ces mêmes « gardiens » œuvrent toujours à étendre notre surface forestière, à favoriser sa gestion durable et à la rendre plus dense, stockant toujours davantage de bois vivant et de carbone.

Aujourd’hui, grâce à une filière forte d’une expérience qui n’a que peu d’équivalences, les Français observent les déforestations étrangères, qui ne restent sur leurs territoires que de lointains souvenirs. C’est cette longue histoire d’une gestion raisonnée et attentive, qui explique pourquoi la filière forêt-bois est si développée, normée et efficace… et notre couverture forestière protégée avec autant de soin.


[1]242 millions d’hectares entre 1990 et 2020, comme déjà évoqué, largement contrebalancés par les 420 millions d’hectares de déforestation.

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