Vous co-dirigez, avec votre frère, le Groupe Neys, un groupe familial de 650 salariés, spécialisé dans les travaux publics et les réseaux d’énergie ou télécom. Votre groupe a notamment choisi de mettre l’accent sur la croissance externe dans le cadre de sa stratégie de développement. Quels sont les avantages de cette stratégie pour une ETI ?
L’avantage de la croissance externe réside dans sa capacité à acquérir des positions sur le marché de manière organique, sans entrer en compétition directe avec les acteurs déjà établis. En optant pour cette approche, nous sommes en mesure de prendre pied dans des segments déjà occupés par d’autres entreprises, ce qui nous offre un avantage stratégique. Cela facilite également le démarrage en nous fournissant une base solide : des employés compétents, une équipe bien établie, des structures opérationnelles, du matériel, et un encadrement déjà en place. Ces avantages sont significatifs par rapport au démarrage d’une entreprise à partir de zéro, où nous devrions construire chaque élément à partir de rien.
Vous avez effectué votre première acquisition en 2016 avec le rachat de FCTP, spécialiste des travaux de génie civil et des travaux publics. Comment cette opération vous a-t-elle permis de changer de dimension ?
Cette acquisition a marqué un tournant pour notre groupe. Jusqu’à présent, notre stratégie de croissance était principalement axée sur le développement interne, à travers l’ouverture d’agences pour ETPM ou la création de filiales, comme à La Réunion par exemple. Cette démarche nous a offert l’opportunité d’acquérir de nouvelles compétences et de diversifier nos activités en nous lançant dans de nouveaux secteurs tels que le réseau de chaleur et de froid, ainsi que de conquérir de nouveaux territoires, puisque cette société est basée en Île-de-France. De plus, au moment de l’acquisition, cette société générait un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros, alors que notre groupe affichait un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros. Il s’agit donc d’un événement significatif pour notre groupe, tant en termes de chiffre d’affaires que d’intégration au sein de notre structure.
Les différentes acquisitions réalisées par votre groupe lui ont permis d’élargir son portefeuille d’activités et de renforcer sa position sur ses marchés historiques. Comment s’est traduite en termes d’innovation et de développement, l’intégration de nouvelles expertises au sein du groupe ?
La plupart de nos initiatives de croissance externe ont été orientées vers des métiers différents et complémentaires par rapport à notre entreprise historique ETPM. Par exemple, FCTP se spécialise dans les travaux de réseaux de chaleur, ce qui constitue une extension naturelle de nos activités. Ensuite, nous avons élargi notre portefeuille avec l’acquisition de CAUM , une société spécialisée dans les travaux de télécommunication. Par la suite, nous avons poursuivi notre stratégie de diversification avec l’acquisition de HP ELEC, une entreprise spécialisée dans les travaux caténaires, exclusivement au service de la SNCF. Cette démarche nous a permis d’investir dans un nouveau domaine d’activité, tout comme cela avait été le cas avec l’acquisition de FCTP.
L’identification de contreparties est la première étape essentielle d’une acquisition. Elle est parfois délicate pour les entreprises, notamment lorsqu’il s’agit d’identifier des cibles pertinentes à l’international. Comment vous y prenez-vous pour identifier de nouvelles cibles ?
Nous identifions principalement nos cibles d’acquisition à travers des banquiers d’affaires avec lesquels j’ai personnellement établi des liens solides, tant sur le plan professionnel que relationnel. Ce réseau nous permet d’être informés des opportunités d’acquisition, telles que les entreprises potentiellement en vente ou les cas de départ à la retraite de dirigeants sans succession. Par ailleurs, le bouche-à-oreille joue également un rôle important, notamment grâce à nos relations avec des dirigeants d’entreprises avec lesquelles nous avons des liens de sous-traitance ou de partenariat commercial.
Bien que nous opérions dans plusieurs secteurs d’activité, nos entreprises-cibles partagent deux dénominateurs communs : les valeurs et les métiers de réseau tels que l’électricité, le gaz, la caténaire et la chaleur. Nous pourrions envisager d’acquérir des entreprises étrangères opérant dans des secteurs similaires, mais je suis d’avis que cela ne générerait pas nécessairement de synergies significatives, car notre présence est fortement enracinée dans nos territoires locaux. La majorité de nos collaborateurs interviennent sur des chantiers situés dans un rayon de 100 km autour de nos bases géographiques, ce qui confère à nos activités un caractère de proximité.
Quels sont les défis auxquels le Groupe Neys a dû faire face dans le cadre de sa stratégie de croissance externe et comment les a-t-il surmontés ?
Dans l’ensemble, nous n’avons pas rencontré de surprises inattendues avec les sociétés acquises. Après leur acquisition, toutes ces sociétés ont connu une croissance ou ont maintenu un niveau de rentabilité satisfaisant. Notre principale préoccupation réside dans l’intégration harmonieuse et la communication efficace entre les membres du groupe et nos filiales. Nous attachons une grande importance à garantir que la mise en place et le déploiement de nos outils groupe se déroulent dans les meilleures conditions, tout en favorisant la création de liens de confiance pour l’avenir. Il est crucial d’éviter qu’une filiale se sente isolée ou manque de confiance, car cela peut entraîner des comportements de dissimulation. La transparence est essentielle dans nos relations. C’est pourquoi nous veillons à ce que les personnes nommées à des postes de direction partagent et comprennent pleinement la culture de l’entreprise acquise.
Si elle a l’avantage de la rapidité, la croissance externe est aussi plus risquée que la croissance organique : risque de payer trop cher, d’activités doublon ou peu intéressantes, de chocs organisationnels, etc. Vous reposez-vous également sur la croissance interne pour mitiger ces risques ?
Bien sûr : en 2016, la société ETPM affichait un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros, et cette année, nous avons atteint les 70 millions d’euros. Parallèlement à nos initiatives de croissance externe, nous poursuivons également une croissance organique à travers l’ouverture de nouvelles agences et la conquête de nouveaux marchés sur des territoires inexplorés. Nous sommes pleinement conscients que la croissance externe comporte peut-être un peu plus de risques que la croissance organique, car elle est à la fois plus rapide et plus coûteuse. En nous assurant de la qualité de l’entreprise cible, nous minimisons ce risque, et même si cela nous prend un an de plus pour rentabiliser l’investissement, cela reste gérable.
Pour finir, pouvez-vous nous en dire plus sur les prochaines étapes du développement du Groupe Neys ?
Nous restons ouverts à la possibilité d’acquérir des sociétés dans de nouveaux secteurs d’activité. Par exemple, nous pourrions envisager des acquisitions dans le domaine des réseaux humides, tels que les réseaux d’eau et de canalisation, qui présentent des défis spécifiques en France en raison de leur état souvent dégradé. Bien que les investissements nécessaires dans ces secteurs ne soient peut-être pas prioritaires à l’heure actuelle, ils pourraient devenir essentiels dans les années à venir. En outre, nous pourrions également envisager des acquisitions dans de nouvelles zones géographiques où nous ne sommes pas encore présents, mais qui offrent des opportunités dans des secteurs déjà familiers pour notre groupe. Actuellement, notre présence couvre principalement un large quart sud-ouest de l’Hexagone et de Paris et l’île de France et des activités sur tout le territoire national comme les travaux caténaires ou l’enfouissement de lignes haute tension pour le compte de RTE.