Quel a été votre parcours avant de devenir entrepreneur ?
Yanisse Bahri : J’ai 25 ans, je suis entrepreneur et salarié chez Atos. J’ai grandi à Noisy-le-Grand avant de déménager en Seine-et-Marne. Après un BTS en commerce international, j’ai rejoint une école de commerce et suis devenu ingénieur d’affaires chez Atos. Cette fonction m’a permis de bâtir un réseau et de découvrir les codes professionnels, utiles pour me lancer dans l’entrepreneuriat.
Comment est né Ordo’Lib ?
Pendant le Covid, ma mère et moi gérions les courses et renouvellements d’ordonnances pour ma grand-mère. Il était difficile de se faire livrer par les pharmacies. L’idée était là, j’étais dans le secteur informatique, pourquoi ne pas tenter quelque chose ? De là en aiguille, le projet s’est construit. Ce fut compliqué : un premier associé, un second, finalement le troisième fut le bon, Aziz Benmanseur, rencontré via Cofondateur.fr. Pour un jeune de banlieue, sans modèle dans l’entrepreneuriat ni background dans le monde médical, les remises en question sont nombreuses. Il m’a fallu du temps pour que le syndrome de l’imposteur s’efface.
À quels obstacles avez-vous été confronté pour développer Ordo’Lib ?
J’ai commencé très jeune et ai appris à mes dépens la complexité du développement des applications. Il ne fallait pas deux mois, ni six, mais bien plus pour développer les interfaces des livreurs, patients, pharmaciens et du back-office, sans oublier les briques technologiques telles que le GPS. Une pression positive s’exerce de la part des médias et des futurs partenaires, mais il faut que le service soit parfait pour fournir un meilleur accès à la santé aux personnes à mobilité réduite, non véhiculées, isolées ou les familles monoparentales.
Quels partenariats avez-vous noués pour vous développer dans toute la France ?
Ordo’Lib est une plateforme de mise en relation. Sur les 20 000 pharmacies en France, 70 % font partie d’un groupement. Il est plus laborieux de toucher les indépendants d’un point de vue commercial. Mon travail chez Atos m’aide chez Ordo’Lib, car il s’agit aussi de conclure des accords-cadres avec des groupements comme Aprium Pharmacie ou Apothical Pharmacie, implantés dans des centres commerciaux, des gares où la clientèle de passage est importante, contrairement à l’officine de quartier.
Avez-vous prévu de lever des fonds auprès d’investisseurs ?
Non, et c’est un choix de notre part. Nous avons bénéficié de programmes d’accompagnement de Startup Banlieue, de Diversidays et nos bureaux sont chez Station F. De plus, nous avons à cœur de gagner nos premiers euros seuls, pour prouver le bon fonctionnement de notre modèle. L’arrivée d’investisseurs sera peut-être nécessaire ensuite.
Arrivez-vous à tout mener de front ?
Il y a deux ans, je me suis marié, j’ai eu mon premier CDI et créé Ordo’Lib. Ce n’est pas facile, mais j’ai beaucoup gagné en organisation. Il faut faire des concessions !
Quel regard portez-vous sur le nombre encore insuffisant d’entrepreneurs issus de quartiers populaires ?
J’aimerais que les profils tels que le mien soient plus nombreux dans d’autres domaines que ceux dont on parle habituellement, le rap et le football. L’entrepreneuriat manque de diversité. La France n’est belle que si chacun y participe.