On ne parle pas souvent de philatélie sous l’angle entrepreneurial. Pourtant, cet univers de passionnés crée de l’emploi dans notre pays, à l’image d’Yvert & Tellier, l’un des gardiens de la tradition depuis 190 ans. Magnifique !
Si vous n’êtes pas philatéliste chevronné, il y a peu de chances que vous connaissiez cette vénérable entreprise, dont la direction est assuré par la sixième génération familiale.
Un vrai marché mondial
De nombreux Français toutes générations confondues collectionnent ou ont collectionné des timbres, même si les clients réguliers de ce marché bien particulier sont présents partout dans le monde. On le sait, certains collectionnent tout et n’importe quoi, mais les timbres sont en pôle position, juste devant les cartes postales, du moins en France. Ces clients de timbres français sont estimés à environ deux millions, qui attendent avec impatience les éditions des nouveaux catalogues. En France, celui d’Yvert & Tellier fait partie de ceux-là depuis 1896. Le mois dernier, le 125e catalogue de cotation « Timbres de France Edition 2021 » a été mis à disposition du public.
De l’imprimerie à la philatélie
En 1831, Eugène Yvert ouvre une imprimerie à Amiens. Son petit-fils, Louis Yvert va impulser le tournant de l’activité vers l’édition philatélique avec son associé Théodule Tellier. En 1895, Louis Yvert cesse son activité de directeur du journal « l’Echo de la Somme » pour se consacrer vraiment au marché philatélique en tant que tel. L’année suivante, après un travail considérable, le « catalogue prix-courant de timbres-poste par Yvert et Tellier » est imprimé en 8000 exemplaires et remporte un succès quasi-immédiat auprès des collectionneurs, poussant les associés à renouveler l’expérience chaque année.
Une association gagnante
Au tournant du siècle, en 1900, Yvert & Tellier s’associe à un marchand de timbres suisse, Théodore Champion qui va fixer les cotations des catalogues jusqu’à son décès cinquante ans plus tard, faisant de ce catalogue un véritable objet de référence. A cette époque, il est déjà édité à 100 000 exemplaires. Aujourd’hui, les cotes sont fixées par des groupes d’experts et le catalogue est vendu à plus de 500 000 exemplaires (en incluant les ventes en ligne).
A la tête du N°1 mondial
Depuis 27 ans, c’est aujourd’hui un autre petit-fils qui dirige l’entreprise, celui de Louis Yvert. Benoit Gervais sait qu’il se trouve à la tête d’une entreprise vénérable qui fait partie du patrimoine de la ville d’Amiens, il n’a pas craint pour autant d’adopter une stratégie de mouvement, afin de préserver et surtout de développer une entreprise ancienne, mais toujours dans son temps. Il marque son empreinte en faisant d’Yvert & Tellier un véritable acteur international, notamment en Asie. Ainsi, l’entreprise participe depuis ces dernières années à différents salons internationaux, à Londres, Macao, Bangkok, Wuhan en Chine ou Messe en Allemagne. L’an prochain, c’est Taïwan qui est au programme afin de satisfaire l’ambition de Benoit Gervais, « donner la meilleure visibilité possible à la philatélie hexagonale ».
Une stratégie de conquête
Le rachat de nouveaux médias fait partie intégrante de cette politique volontariste du dirigeant : « Atout Timbres » et « Timbres Magazine » viennent se rajouter à « l’Echo de la Timbrologie », qui appartenait déjà à la société. Ces différentes activités font de l’entreprise le leader mondial de l’édition philatélique. Le nouveau groupe Yvert a également diversifié ses activités en allant sur d’autres cibles de collectionneurs, les numismates entre autres. Il commercialise également tout le matériel lié à l’activité de la collection.
Sous l’impulsion de Benoit Gervais, il a également franchi le pas du numérique et investi sur de nouveaux logiciels. C’est en effet lors du Salon Philatélique de 2015 que l’entreprise a innové en lançant la première application au monde permettant d’avoir entre autres la cotation actualisée de sa propre collection sans connexion internet. Avec connexion, il y a la possibilité de finaliser un achat. Elle a déjà été téléchargée plus de 20 000 fois.
De la tradition à la modernité
Depuis 2008, Yvert & Tellier a franchi un nouveau cap avec un nouveau siège social, toujours à Amiens et l’ouverture en son sein d’une galerie d’art, axée sur la création contemporaine en peinture et sculpture. Depuis lors, chaque couverture de catalogue est également réalisée par un artiste qui a déjà gravé ou dessiné un timbre. Pour l’édition 2021, c’est l’artiste nordiste Thierry Mordant qui a remporté le premier prix du concours organisé annuellement via le vote d’un jury internet et de milliers de philatélistes. La passion est toujours bel et bien présente dans le groupe Yvert prouvant que la philatélie n’est pas une activité du passé, contrairement à ce que l’on pourrait penser.
Même si le courrier postal a fortement diminué, le nombre d’émissions de timbres-poste continue à augmenter, se détachant ainsi de plus en plus de sa fonction primaire d’affranchissement. Yvert & Tellier est le témoin de cette passion avec ses 6,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, et ses bureaux d’Amiens, Lille, Lyon et Paris.
V.D.