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Revue Fiduciaire : Yves de La Villeguérin révolutionne les métiers du chiffre et du droit

En un siècle, la Revue Fiduciaire s’affirme comme un acteur majeur de la formation à l’information et aux services associés dans le secteur juridique. À sa tête depuis 1997, Yves de La Villeguérin incarne une subtile alchimie entre tradition et innovation, explorant les possibilités de développement sans précédent offertes par les avancées technologiques, tout en abordant les défis complexes du management humain à l’ère de l’intelligence artificielle.

Yves de La Villeguérin

Quelle est votre philosophie en matière de changement ?

Yves de La Villeguérin : Mon adage est de ne rien changer mais tout transformer. Maintenir des bases stables est essentiel, car sans fondements, on ne construit rien dans la durée. Pour autant, l’inaction conduit à l’immobilisme et, ultimement, à la stagnation voire à la régression. Il faut donc se nourrir et capitaliser sur l’existant pour progresser et évoluer. Impliquer les collaborateurs dans le processus de transformation en les associant à la démarche est une des clés de réussite, plutôt que d’annoncer brutalement des changements radicaux souvent synonymes de déstabilisation et d’inquiétude très rapidement contre-productifs. Il faut construire l’avenir collectivement en fédérant les énergies autour d’un objectif commun positif de sublimation. Pour faire adhérer les équipes au changement, je conseille de trouver les éléments pilotes, qui seront moteur et les autres suivront s’ils en constatent les effets positifs.

Comment réussir à suivre l’évolution effrénée du monde ?

Y.L.V. : Nous vivons dans un monde en perpétuel mouvement, où tout évolue de plus en plus rapidement. L’accélération sur le plan technologique est vertigineuse et induit une obsolescence rapide des solutions informatiques dont les cycles de vie ne dépassent souvent pas deux ans. Cette intensification suppose une certaine distanciation par rapport à l’effervescence ambiante pour s’accorder le temps de la réflexion et faire des choix éclairés en évaluant les avantages des nouvelles technologies et en décidant de leur adoption immédiate en fonction des opportunités qu’elles offrent et de leurs coûts.

Il y a 7 ans, nous avons lancé GRF+, une application de « papier connecté » qui permet d’identifier simplement les mises à jour réalisées sur la version papier du Code du Travail grâce à son Smartphone. Cette solution a remporté de vif succès outre-Atlantique mais l’usage reste très lent à se développer en Europe.

Bien que tous les objectifs n’aient pas encore été atteints, je suis convaincu que nous y parviendrons. La société ARGO, dont nous sommes partenaires, développe des solutions très intéressantes de transformation de pdf en site internet avec un apport de réalité augmentée permettant d’interagir avec ses prospects. Les entreprises doivent démontrer une agilité et une adaptabilité constantes pour demeurer pertinentes et influentes dans le monde tout en veillant à maîtriser leurs investissements et à être en phase avec le marché.

En quoi l’hyperspécialisation peut-elle un frein pour relever les enjeux ?

Y.L.V. : Pendant des années, les spécialistes ont été encensés, mais cela a engendré une génération désormais dépourvue de compétences élémentaires, notamment dans la maîtrise des principaux outils qui les entourent. Avoir une vision globale, indispensable pour relever les défis d’une entreprise, exige la maîtrise de multiples compétences. La lecture hebdomadaire du feuillet RF m’a donné de précieux réflexes de gestion. Un dirigeant qui s’en remet uniquement à ses conseils pour prendre les bonnes décisions en matière fiscale, sociale, comptable et juridique passe à côté de nombreuses opportunités. Pire, il peut même prendre des décisions de gestion qui peuvent coûter très cher à son entreprise.

Pour un dirigeant, une connaissance, même superficielle, de ces sujets est donc indispensable. C’est la raison pour laquelle j’ai fait rédiger des résumés en tête de chaque chapitre dans le feuillet hebdomadaire RF. Le dirigeant peut ainsi lire le feuillet en moins de 15 minutes avant de le transmettre à ses équipes administratives. En revanche, ce sont les spécialistes qui doivent ensuite les mettre en application.

Vous mettez en garde contre les risques d’une trop grande spécialisation…

Y.L.V. : Oui, cette réflexion s’étend à la stratégie de l’entreprise où l’hyperspécialisation des profils risque de nous faire oublier l’essentiel. La quête des meilleurs spécialistes peut parfois conduire à des échecs retentissants. Il n’est pas uniquement question de ressources et de moyens, mais également de la capacité à avoir une vision globale, un esprit de synthèse et le recul nécessaire. Cette réflexion est structurante afin d’appréhender les enjeux du monde de demain avec pertinence. À ce stade, je ne saurais trop conseiller aux dirigeants, souvent très isolés, de prendre le temps de communiquer avec leurs pairs et de fréquenter des clubs de dirigeants tels qu’APM, CJD, ou Entreprendre pour échanger et se nourrir d’expériences entrepreneuriales.

Quelles recommandations faites-vous en matière de transmission d’entreprise ?

Y.L.V. : Il est crucial d’envisager cette transition sous plusieurs angles : social (choix du dirigeant, impact sur les équipes), relationnel (clients et fournisseurs), juridique (structure adaptée à la reprise), fiscal (changements de gouvernance) et patrimonial (pour les entreprises familiales). Les frais de transmission peuvent parfois être si élevés qu’ils conduisent à la cession de l’entreprise.

Les entreprises familiales, comme la nôtre, qui existent depuis des décennies, fortes de leur expérience, ont heureusement la capacité de réfléchir sur le long terme et de prendre en compte les générations futures tout en se projetant pour se réinventer. L’anticipation joue un rôle crucial dans notre développement. J’ai beaucoup travaillé sur la transmission de notre groupe en m’appuyant sur mes connaissances juridiques.

Et au plan technologies, comment faire face à l’accélération vertigineuse ?

Y.L.V. : Face à cette accélération, la question cruciale est celle de la gestion du quotidien à l’aune de cette révolution. Comment appréhender cette profonde transition et réussir à faire cohabiter et dialoguer des univers très différents les uns des autres ?

L’IA ne révolutionnera pas les secteurs traditionnels dans leur fonctionnement, mais ces nouveaux outils pourront les soutenir. Dans le domaine du bâtiment, l’IA pourra ainsi assister les professionnels dans la gestion de leur planning, dans le choix des matériaux, l’intégration des conditions climatiques, etc., sans modifier radicalement leur métier. Certaines entreprises continueront leur production sans être fondamentalement impactées, tandis que d’autres, évoluant notamment dans les services comme la nôtre, seront contraintes d’adopter et de tirer parti de ces évolutions pour éviter d’être rapidement disruptées par de nouveaux acteurs.

La transformation, surtout pour les entreprises établies avec des structures solides, peut être un processus long et complexe. Cela ouvre la voie à de nouveaux acteurs qui, sans avoir à transformer d’anciennes pratiques, peuvent rapidement proposer des solutions innovantes. Je pense notamment à Wemap, qui développe une solution de cartographie et qui a réussi à émerger, malgré le quasi-monopole de Google, en proposant des cartes intégrant des données locales (exemple : identification de tous les évènements culturels autour de moi). L’agilité devient donc essentielle pour faire face à ce réel risque de disruption.

En matière de droit, vous n’échappez pas non plus à cette complexité croissante…

Y.L.V. : Notre mission d’explication et de simplification du droit est de plus en plus délicate en raison de la croissance de la complexité des textes administratifs, sujets à diverses interprétations. Pour éviter d’être contournée, l’administration rédige parfois des textes ouverts à de multiples interprétations dans un domaine devenu excessivement sophistiqué. Notons que, depuis 2021, le dispositif ATAD, transposé en 2019, qui concerne l’abus de droit fiscal, permet désormais à l’administration de sanctionner financièrement si elle estime que le montage poursuit un but « principalement » fiscal et non plus « exclusivement fiscal » comme antérieurement. On peut facilement imaginer l’insécurité qui en résulte ! L’administration recourt de plus en plus à l’intelligence artificielle pour assister ses agents dans les réponses aux questions, ce qui illustre la complexité croissante du sujet.

L’intervention constante et généralisée de l’administration, qu’il s’agisse des institutions européennes ou nationales, contribue à complexifier les procédures à tous les niveaux. Le Code du travail danois, qui permet aux entreprises d’adapter facilement leur effectif, mais qui protège les salariés avec des programmes de formation et de réinsertion efficace, est plus adapté à un monde qui change. En comparaison, notre Code du travail annoté, leader dans son domaine, ne compte pas moins de 5 000 pages pour être exhaustif…

On parle beaucoup de simplification et du retard de nos administrations. Qu’en pensez-vous ?

Y.L.V. : Certaines administrations sont performantes, tandis que d’autres restent archaïques et inadaptées. Le Covid a révélé des disparités entre les administrations. Certains services ont bien fonctionné en s’adaptant au télétravail, tandis que d’autres ont souffert de retards et de baisses de qualité de service. Nous avons mis 9 mois pour obtenir l’enregistrement d’une transformation de SCI en SARL alors que nous étions assistés de formalistes !

Il est préoccupant de constater que l’obtention d’un simple passeport peut parfois prendre de 6 à 8 mois, soulignant ainsi la nécessité d’améliorer les processus administratifs pour répondre efficacement aux besoins des citoyens. Certaines administrations françaises accusent un retard significatif en termes de modernisation et d’efficacité, le choix d’augmenter les effectifs pour lutter contre le chômage se paye cher aujourd’hui. Elles devraient, comme nos entreprises, être attentives à leur coût de fonctionnement, voire responsables de leur gestion. Ce retard représente un défi majeur pour le monde économique qui a besoin d’une administration efficace pour prospérer. Malgré les nombreux plans de simplification administrative mis en œuvre, il est légitime de se demander quel est leur impact réel.

Le projet de simplification des bulletins de paie, annoncé comme une « réforme majeure », illustre malheureusement ce biais. Bien que les salariés devraient recevoir une version simplifiée de leur fiche de paie (15 lignes au lieu de plus de 40), les entreprises doivent être en mesure de leur fournir l’ensemble du détail. Cela ajoute donc une couche de gestion supplémentaire. On affiche d’un côté la simplification pour le public, mais de l’autre, on complexifie les choses pour l’entreprise !

Et pour l’Éducation nationale, que faut-il revoir ?

Y.L.V. : Le monde de l’entreprise et celui de l’administration n’évoluent pas au même rythme. Leur évolution est asynchrone, en particulier dans le domaine de l’éducation nationale qui est sujette à des réformes qui sont remplacées par de nouvelles dispositions avant même d’avoir été déployées. Je pense qu’il serait opportun de remettre en question le modèle éducatif traditionnel, où les élèves passent de longues heures assis en classe à écouter passivement les cours dispensés par leurs enseignants.

On sait depuis Socrate que l’apprentissage est plus efficace en mouvement… Une approche alternative pourrait consister à intégrer des vidéos d’enseignants pédagogues projetées durant les cours, tout en conservant un enseignant en classe pour apporter un soutien individuel à ceux qui en ont besoin. Cette méthode favoriserait une distribution plus équitable de l’enseignement et permettrait une attention plus personnalisée aux besoins des élèves. Explorer ce type de format pourrait être très enrichissant pour l’école de demain, surtout à une époque où le manque de professeurs, notamment en mathématiques, est très problématique.

Vous semblez vouloir investir de plus en plus dans ce monde de l’éducation…

Y.L.V. : Nous nous investissons activement dans le soutien de l’écosystème éducatif à divers niveaux. Avec notamment DigiSchool, qui est un éditeur de plateformes et d’applications mobiles dédiées aux révisions et à l’orientation, permettant un apprentissage sur mesure avec des quizz journaliers, le renfort sur les notions fragiles, et une implication des élèves sur la plateforme qui corrigent les copies de leurs congénères. C’est une façon d’apprendre ensemble avec des exercices dédiés et affinés selon les besoins de chacun. Nous soutenons entre autres l’association Paroles, fondée par Daniel Lebret.

Conscient des lacunes du système actuel, cet expert de l’éducation développe une solution qui s’appuie sur un moteur d’intelligence artificielle pour aider les parents et les enfants à naviguer dans un monde de plus en plus complexe. De nombreux parents se sentent démunis lorsqu’il s’agit de prendre des décisions d’orientation pour leurs enfants, créant ainsi des clivages importants. Cette association participe donc activement à rendre l’éducation plus accessible et équitable pour tous.

Nous travaillons également sur l’exclusion avec la réinsertion d’anciens détenus dans les entreprises, et plus récemment, nous avons également choisi de soutenir l’association Y Croire & Agir, fondée par Pierre Gattaz, qui vise à réinsérer des personnes isolées. Partant du constat qu’elles étaient totalement exclues et même incapables de se présenter à un entretien, cette association a développé un programme de formation pour les sortir de leur exclusion et leur redonner confiance en elles.

Pourquoi avez-vous décidé d’aller plus loin en matière de moteurs de recherche ?

Y.L.V. : Nous avons été le premier éditeur à utiliser la réalité augmentée dans nos revues et documents et à intégrer le legal design dans nos éditions mais nous avons constaté que nos moteurs de recherche, ainsi que ceux de nos confrères éditeurs, présentaient des performances insuffisantes. Notre documentation juridique dispose d’une structure solide et soigneusement organisée, facilitant la recherche thématique des réponses aux questions posées. Cependant, nous vivons à une époque où nous voulons obtenir des réponses immédiates sans avoir à chercher l’information.

L’utilisation de l’IA dans le domaine juridique est-elle plus complexe en raison des spécificités de ce domaine ?

Y.L.V. : L’utilisation de l’IA dans le domaine juridique présente effectivement certaines complexités supplémentaires. Tout d’abord, les questions juridiques sont souvent sujettes à des interprétations subtiles et à des nuances, ce qui rend l’entraînement des modèles d’IA plus délicat. De plus, la précision et l’exactitude des réponses sont d’une importance capitale dans le domaine juridique. Il est donc essentiel de veiller à ce que les systèmes d’IA utilisés dans ce domaine soient hautement fiables et qu’ils soient en mesure de fournir des réponses précises et contextualisées. Notre engagement envers cette rigueur absolue et notre travail nous ont permis d’aboutir à des résultats époustouflants.

Quid du lancement de vos chatbots juridiques en juin ?

Y.L.V. : Nous lançons en juin AlterEgo, l’autre moi, qui permet d’obtenir des réponses structurées, argumentées et qui s’adaptent à vos questions en fonction de votre profil. Il comprend les questions d’un juriste mais aussi celles d’un utilisateur novice. Il travaille par thématique, compare les options juridiques et vous permet de planifier vos actions. Cette révolution résulte d’un travail de longue haleine de nos équipes dédiées à l’apprentissage, à l’automatisation et au machine learning, rendu possible par la structuration de nos vastes bases de connaissances au cours des dix dernières années. Il sera intégré dans nos bases documentaires, RF MYDoc paye, RH et DAF. C’est une première étape…

Utilisez-vous l’Intelligence Artificielle dans d’autres domaines ?

Y.L.V. : Oui, nous utilisons également l’IA dans nos processus d’industrialisation, de développement de solutions pour nos clients, de marketing et de communication. Plus l’IA a de données, mieux elle peut comprendre, apprendre et s’entraîner pour éventuellement ajuster ses paramètres afin de devenir plus précise ou plus efficace dans sa tâche.

Quelle valeur ajoutée cette rupture technologique va-t-elle vous apporter ?

Y.L.V. : Ces nouveaux outils vont considérablement faciliter l’accès de nos clients à une data qualifiée et fiable, tout en optimisant l’efficacité et la réactivité de nos collaborateurs. L’intégration de nos moteurs d’IA, qui permettra une recherche plus rapide et pertinente dans nos vastes bases de données, constitue une avancée fulgurante en termes de temps, de fiabilité, de qualité et de richesse des informations fournies. Prenons l’exemple d’un gestionnaire de paye dont on connaît la complexité du domaine… Il pourra, grâce à AlterEgo, réagir à la moindre évolution de la réglementation et répondre avec précision aux salariés ou à ses clients s’il s’agit d’une paye externalisée.

Pourquoi vous être positionné en amont en matière de formation en accompagnant des jeunes diplômés ?

Y.L.V. : Nous manquons, comme dans beaucoup de secteurs, de professionnels bien formés, et nous avons donc décidé d’agir en amont. En acquérant SOFTEC, un institut de formation et de reconversion professionnelle établi depuis 1989 à Angers, nous avons renforcé notre présence dans le secteur tertiaire. Traditionnellement axée sur les professionnels, notre entreprise de formation élargit désormais son champ d’action partout en France aux jeunes diplômés, du Bac à Bac+2, destinés à occuper des postes de gestionnaires de paye, de comptables, etc.

Nous intervenons également dans d’autres domaines, notamment avec la création d’écoles spécialisées dans l’IA en collaboration avec Salha Eddine Benzakour, un expert reconnu. Nous soutenons également BEHAVE, dirigé par Jean Baptiste Morin, que nous considérons comme la référence en France en matière d’orientation. L’utilisation de cette solution a contribué à renforcer la qualité de nos parcours formation. Nous étudions par ailleurs de nombreuses autres acquisitions pour accélérer nos déploiements.

Avez-vous à l’esprit des exemples de succès en matière d’agilité ?

Y.L.V. : L’agilité des entreprises repose avant tout sur l’humain. Tarkett, à l’origine spécialisée dans les parquets, est devenue leader dans les revêtements de sols innovants. Roullier, initialement axée sur les engrais chimiques, s’est transformée en un spécialiste de la nutrition végétale grâce à d’importants investissements en recherche.

Pochet, une verrerie artisanale, est devenue un acteur majeur dans le domaine du packaging de luxe Je pourrais citer de nombreux autres exemples connus, mais je préfère attirer l’attention sur les dirigeants de petites structures, qui doivent à la fois développer, gérer, innover et faire preuve d’une grande agilité. J’ai des exemples quotidiens autour de moi avec la transformation de notre groupe. Nos collaborateurs font preuve d’une grande agilité pour déployer de nouveaux services (chatbots, capsule de formation…).

La transformation de CDI Médias & Services par Florian Lavenu est également un bel exemple d’agilité. D’une entreprise éditoriale structurellement déficitaire, il a réussi à transformer cette entreprise en une société rentable en devenant notamment organisateur de salons liés à ses publications, tels que le salon du travail et du management.

Quelle est la vertu de l’échec dans un parcours d’entrepreneur ?

Y.L.V. : Les échecs peuvent être douloureux mais ils sont très formateurs. J’ai retenu quatre principaux enseignements des échecs que j’ai essuyés. En 2000, j’ai fait l’acquisition d’une société de publications événementielles. Notre principal client, bien que leader mondial de la gestion des droits sportifs, a déposé le bilan 4 ans plus tard en entraînant notre liquidation.

Règle n°1 : quelle que soit sa taille, un client ne doit jamais représenter plus de 10 % de votre chiffre d’affaires. J’ai également repris une entreprise de services informatiques d’une cinquantaine de collaborateurs qui se trouvait en situation de redressement. Au bout de quelques mois, nous nous sommes rendus compte que l’équipe dirigeante, nostalgique du temps où l’entreprise dépensait sans compter, oeuvrait contre la société.

Règle n°2 : s’assurer que l’équipe dirigeante est bien en phase avec votre projet. Nous sommes également rentrés dans le capital d’une société de gestion documentaire. Le dirigeant nous avait vendu un projet qui n’était pas abouti avec un audit incomplet. Règle n°3 : tout vérifier soi-même. Enfin, il ne faut pas croire que les dirigeants gèrent les finances avec la même rigueur que vous. Règle n°4 : avoir un contrôle direct sur les dépenses et signer toutes les factures.

Quel regard portez-vous sur les réussites fulgurantes d’entreprises à croissance rapide ?

Y.L.V. : Je reste très prudent vis-à-vis de ces entreprises et dirigeants encensés pour leur croissance rapide et dont la réussite peut s’avérer très volatile et éphémère. Ils brûlent souvent l’argent des autres. Notre propre expérience démontre l’importance de la construction humaine et de la vision à long terme. Nous avons vécu une transformation impressionnante, passant sur certains de nos titres de plus de 100 000 abonnés à seulement 50 000 aujourd’hui, mais avec une meilleure rentabilité et en apportant de nouveaux services.

La croissance rapide fondée sur des levées de capitaux vertigineuses et des opérations de croissance successives peut sembler attrayante, mais l’issue peut être fatale. L’actualité ne me contredira pas. Nous sommes aux antipodes de cette tendance en cultivant une philosophie d’entreprise familiale basée sur la pérennité et la construction dans la durée.

Faut-il craindre une standardisation de la pensée ?

Y.L.V. : J’ai collaboré avec René Sylvestre, ancien dirigeant du groupe L’Étudiant, pour créer la Pépinière 27. Nous avons constaté une standardisation de la pensée dans les écoles de commerce. Or, les grandes écoles, notamment de management, devraient cultiver une diversité de pensée et de pratiques. Ce n’est pas parce qu’une méthode fonctionne dans une entreprise que cela doit automatiquement être reproduit ailleurs. Les innovations et les idées peuvent émerger de là où on les attend le moins. C’est pourquoi il est essentiel de promouvoir la diversité des profils et des approches pour stimuler la créativité et l’innovation.

Il est nécessaire de s’affranchir du prêt-à-penser, la meilleure méthode consistant parfois à ne pas avoir de méthode prédéfinie. Je ne cesse de rappeler aux « hyperconnectés » combien il est important de rester vigilant. Il faut se méfier des informations et vérifier systématiquement les sources. Il est essentiel de remettre en question les institutions et les normes établies. Il faut en permanence tout remettre en cause afin de s’assurer d’une fiabilité de l’information et de conserver un esprit critique aiguisé.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau


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