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Thibaud Elzière, Efounders : « On peut réussir en France aussi bien que dans la Silicon Valley »

Il a inventé l’un des premiers start-up studios français. Il est vrai que Thibaut Elzière, 39 ans, diplômé de l’école Centrale de Lyon, est un récidiviste de l’esprit d’entreprendre. Il crée Fotolia dès la fin de ses études, puis Zilok, plateforme de location entre particuliers, qui deviendra ensuite Ouicar. En 2011, il créé eFounders avec Quentin Nickmans pour donner la chance de réussir ici aussi bien qu’aux USA. C’est bien parti !

Entreprendre - Thibaud Elzière, Efounders : « On peut réussir en France aussi bien que dans la Silicon Valley »

Il a inventé l’un des premiers start-up studios français. Il est vrai que Thibaut Elzière, 39 ans, diplômé de l’école Centrale de Lyon, est un récidiviste de l’esprit d’entreprendre. Il crée Fotolia dès la fin de ses études, puis Zilok, plateforme de location entre particuliers, qui deviendra ensuite Ouicar. En 2011, il créé eFounders avec Quentin Nickmans pour donner la chance de réussir ici aussi bien qu’aux USA. C’est bien parti !

Comment avez-vous eu l’idée du start-up studio ?

Thibaud Elzière : L’idée m’est venue alors que cela faisait 10 années que je dirigeais la société Fotolia dont j’étais le fondateur. J’ai toujours été fasciné par les 18 premiers mois d’une entreprise durant lesquels on s’emploie à transformer une idée en quelque chose de concret. Je suis passionné par la phase d’idéation, j’ aime chercher une solution, créer un premier MVP (produit minimum viable, en français — ndlr), définir une stratégie marketing mais je suis moins enthousiaste concernant la phase qui suit ce cycle de création.

Les start-up studio sont souvent l’initiative d’entrepreneurs qui ont déjà créé une entreprise et qui sont en quête d’une autre expérience réalisable à travers ce modèle de co-fondation. J’ai décidé de lancer eFounders en 2011 avec mon associé Quentin Nickmans et avec pour objectif de lancer plusieurs projets en parallélisant les efforts et en mutualisant les ressources.

Comment le concept a-t-il émergé en France après avoir été inventé par Rocket Internet en 2007 à Berlin ?

Nous avons souhaité nous construire et nous positionner en opposition au modèle proposé Rocket Internet, en prenant le contrepied idéologique de ses valeurs. Nous avons rebaptisé le concept en start-up studio et évangélisé le terme qui est désormais communément employé. Rocket Internet copiait des modèles américains successfull et les reproduisait en Europe. Face à cette stratégie de duplication, nous avons déployé une stratégie innovante en faisant des choses qui n’avaient jamais été faites avant. Au modèle du e-commerce, nous avons préféré un vertical – le software B2B-, au modèle de manager, nous avons privilégié le modèle de fondateur.

Les managers recrutés par Rocket Internet pour gérer les sociétés détenaient au maximum 1 ou 2% dans l’entreprise. Pour notre part, nous pensons que des entrepreneurs sont indispensables pour créer des entreprises. Les entrepreneurs étant motivés par l’equity (capital-investissement — ndlr), nous avons donc jugé opportun d’imaginer un modèle dans lequel on s’associe avec des fondateurs plutôt que de recruter des managers. Dès le début, nous avons souhaité rendre les sociétés indépendantes, cette volonté étant très fortement ancrée dans notre ADN.

Nous sommes présents au départ pour construire une équipe, designer un produit, mettre en place une première stratégie marketing, mais l’idée est qu’au bout de 18 mois, l’entreprise soit indépendante sur le plan opérationnel et financier. Au terme de cette phase d’accompagnement, elle doit pouvoir voler de ses propres ailes, acquérir son propre ADN et développer sa propre culture.

Pourquoi vous être spécialisé dans le SaaS B2B ?

Un nombre important de start-up studio ont commis l’erreur en privilégiant un mode générique et en prétendant pouvoir lancer n’importe quel type d’entreprise, dans n’importe quel domaine. Nous avons choisi une verticale que nous apprécions particulièrement, ce choix expliquant pour partie notre succès.

Vous misez beaucoup sur l’évolution des logiciels ?

Oui, nous souhaitions construire une constellation de logiciels qui s’adressent aux entreprises de 20 à 2 000 employés qui ont besoin de se digitaliser mais qui n’ont pas accès aux ERP et aux outils réservés aux grands groupes. Nous avons pour ambition de constituer une galaxie de logiciels spécialisés SaaS (software as a service) B2B. A partir du moment où les logiciels développés apportent une certaine valeur ajoutée à cette cible d’entreprises, que nous n’échouons pas trop sur l’exécution et que nous faisons cela proprement, cela vaudra nécessairement quelque chose.

Comment sélectionnez-vous les entrepreneurs et leurs projets ?

eFounders n’est ni un accélérateur, ni un incubateur, mais une sorte de boîte à idées. Les 5 premières start-up propulsées par eFounders, Mention, Mailjet, TextMaster, Front et Aircall sont nées des problématiques que j’avais rencontrées… Nous prenons initialement 50% du capital, aux côtés d’ un ou deux co-fondateurs. Notre schéma consiste à trouver de bonnes idées nées le plus souvent de besoins précis, à identifier un marché et ensuite à les faire correspondre aux bonnes personnes.

Une centaine de jeunes entrepreneurs viennent nous rencontrer chaque mois, nous leur pitchons des idées que nous avons dans les cartons. Si l’ entrepreneur est séduit par l’ idée, que nous accrochons avec lui et qu’une alchimie se créée, nous échangeons pendant quelques semaines de manière un peu informelle et dès que l’entrepreneur s’est réapproprié l’idée, nous nous lançons ensemble dans l’aventure. Durant les 18 mois premiers mois, nous travaillons main dans la main sur les fondations pour créer un produit, construire une équipe de 10 à 15 personnes et avoir un premier product market fit (adéquation entre produit et le marché — ndlr) avec une centaine de clients qui utilisent le produit.

A ce stade, eFounders détient 100% de la start-up. Au terme de cette période, si tout s’est bien passé, l’équipe et le prototype sont sur les rails et nous pouvons alors démarcher des investisseurs externes. Une fois que la boite est financée, elle devient indépendante opérationnellement d’eFounders et les experts mis à disposition par le studio se retirent au profit du recrutement d’une équipe interne au projet.

En avril 2018, vous avez réalisé le premier exit avec la vente de Textmaster à Technicis, numéro trois européen de la traduction. L’exit est-il une finalité ensoi?

La finalité d’une société telle que nous l’imaginons n’est pas nécessairement un exit (revente des parts que le start-up studio prend dans chacun des projets — ndlr). Un exit ne constitue pas un aveu d’échec, c’est un événement de liquidité qui fait plaisir aux fondateurs et aux actionnaires, mais pour autant cela signifie que la vie de la boite ne sera désormais plus plus ce qu’elle était. Avec la vente de Textmaster à Technicis, nous avons désormais perdu le contrôle de Textmaster et nous n’en insufflons plus la philosophie.

D’une certaine manière, Textmaster a disparu de nos livres mais aussi en tant qu’entreprise dans la mesure où elle s’est faite absorber. L’Idéal serait de créer des sociétés qui deviennent des leaders de leur marché, et soient les prochains Google ou Facebook européens.

Combien avez-vous réalisé de levées de fonds ?

Nous avons tout d’abord levé 5 millions d’euros en juin 2015 auprès d’Oleg Tscheltzoff qui était déjà mon partenaire dans Fotolia. Nous avons fait une seconde levée de fonds en décembre 2016 en réussissant à boucler un tour de table de 5 millions d’euros. Pas moins de quarante investisseurs ont répondu positivement à notre appel ainsi que plusieurs « family offices » belges. Cette deuxième levée de fonds ouvrait la voie à une nouvelle manière de financer nos entreprises, sachant que les personnes qui sont rentrées pour financer eFounders sont celles que nous contactons systématiquement lorsque nous envisageons de réaliser une levée de fonds pour nos projets.

Quelles sont les réussites qui vous ont marqué ?

Aircall (logiciel pour les centres d’appel) et Front App (boîte mail collaborative), lancées il y a à présent 5 ans, comptent parmi nos plus beaux succès. Après avoir récolté 10 millions de dollars auprès de Social Capital en mai 2016, Front a levé 66 millions de dollars début 2018 auprès du fonds Sequoia Capital. Pépite française de la téléphonie d’entreprise, Aircall a quant à elle réussi à lever 25 millions auprès de Draper Esprit, Balderton Capital, NextWorld Capital et Newfund en mai 2018, portant à 36 millions d’euros les fonds levés depuis sa création, en 2014.

Comment imaginez-vous l’avenir ?

Nous souhaitons nous appuyer sur l’intelligence artificielle et sur l’automatisation afin de supprimer ou minimiser les tâches rébarbatives et sans grande valeur ajoutée en les remplaçant par des tâches à haute créativité. Nous devons imaginer le monde de demain avec des équipes distribuées dans le temps avec différents créneaux horaires et dans l’espace.

Nous ambitionnons sur les 10 prochaines années de créer un écosystème de solutions B-to-B permettant de préparer les entreprises de demain au futur et à l’évolution du travail.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau


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