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Visite du Président Xi (1/2) : Éducation et Révolution en Chine

Le président Xi Jinping vient de se rendre pour la troisième fois en visite d’état en France, cette fois-ci à l’occasion du 60ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine. Il poursuit son séjour sur le continent européen en Hongrie et en Serbie.

Sun Yat-sen, Premier président de la République de Chine

Par Patrick Pascal, ancien ambassadeur et président du Groupe ALSTOM à Moscou pour la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Il est également le fondateur et le président de « Perspectives Europe-Monde ». 

Derrière l’image de l’empereur rouge, dominant et apparemment ou même ostensiblement  impassible, l’on peut aussi s’interroger, au-delà de l’évolution du pouvoir politique depuis la fondation de la République populaire de Chine (RPC), sur les grandes personnalités qui ont façonné cet immense pays, devenu la deuxième puissance mondiale. Il ne s’agit pas de minimiser le rôle des masses populaires qui ont été un agent majeur des transformations, sous la férule de Mao Tsé-toung, mais de ne pas négliger aussi le poids des individus, de leur milieu social et de l’éducation qui ont permis à des dirigeants devenus « révolutionnaires » de contribuer aux mutations considérables d’une nation et d’une civilisation millénaires.

Dans ses Trois Messages adressés à la France, immédiatement avant sa visite, le Président Xi Jinping a lui-même rappelé que « la France a été l’un des premiers pays à accueillir des boursiers gouvernementaux chinois sur son sol, il y a un siècle, de jeunes étudiants chinois, dont certains éminents ont apporté une contribution remarquable à la fondation et au développement de la Chine nouvelle ».

Xi, Sun, Chou, Deng et les autres

Xi Jinping né à Pékin, est le fils d’un ancien cadre de rang élevé du Parti communiste chinois originaire de Canton, déclassé pendant la Révolution culturelle. À ce titre, et parce qu’il fut élevé dans un milieu privilégié, il fut et est encore parfois considéré comme un « Prince rouge ». Comme plusieurs de ses prédécesseurs ayant occupé des fonctions éminentes à la tête de l’Etat, il effectua le voyage à l’étranger pour parfaire sa formation; Il se rendit ainsi en 1985 aux Etats-Unis pour étudier les techniques de l’agriculture et logea dans une famille américaine.

Mais l’on pourrait aussi parler de Sun Yat-sen, premier Président de la République de Chine proclamée à Nankin en 1912, l’un des Fondateurs puis Président du Parti Kuomintang, de Chou En-laï à l’allure patricienne ou encore de Deng Xiao-ping .

Sun Yat-sen est considéré aujourd’hui en Chine comme le père de la modernité dans ce pays et même de la nation chinoise contemporaine. Son programme initial consista à chasser les étrangers, fonder une république et redistribuer la terre. Il tenta de former une alliance avec le Parti communiste chinois à partir de Canton et est aujourd’hui vénéré tant par ce dernier que par le Kuomintang. Cet unanimisme devrait à lui seul nous conduire à une réflexion plus approfondie au sujet de Taïwan.

Sun Yat-sen, statue devant sa résidence à Shanghaï
 

Sun était issu d’une famille paysanne mais, fortune rapidement acquise, il évolua par la suite au sein de l’élite intellectuelle et politique de la Chine impériale finissante de la dynastie mandchoue Qing, dont le dernier représentant fut le jeune Pu Yi. Son mode de vie à Shanghaï l’atteste. Il suffit de voir sa résidence dans la concession française de Shanghaï pour s’en persuader; cette demeure était située à quelques centaines de mètres de celle de Chou En-laï, mais cette dernière, occupée pendant un laps de temps assez court jusqu’à la rupture avec le Kuomintang en 1948 après une alliance contre les Japonais, ne présentait que des similitudes extérieures alors qu’elle était organisée de manière spartiate, dans la perspective de la conquête du pouvoir par les communistes, comme le futur ministère des Affaires étrangères chinois.

Chambre-bureau de Chou En-laï à Shanghaï / Photographie: PP/PPEM

Chou En-laï, fut l’une des plus grandes figures de la RPC ayant été Premier ministre de 1949 jusqu’à sa disparition en 1976, quelques mois avant celle de Mao. Il naquit dans le Jiangsu dont le chef-lieu est Nankin, région côtière l’une des plus riches de Chine. Sa mère était l‘épouse d’un haut fonctionnaire et il donna toute sa vie l’image d’un patricien. Il avait lu très jeune les grands romans classiques chinois du XVIIIème siècle, tels que Rêve dans le Pavillon rouge ou encore Jin Ping Mei (Fleur en Fiole d’Or). Il déclara lui-même: « Je suis un intellectuel, issu d’une famille féodale…ma carrière révolutionnaire commença à l’étranger ». Appartenance à l’élite et formation à l’étranger – qui était le gage d’une promotion sociale lors du retour au pays -, qu’il s’agisse des Etats-Unis ou du Japon, furent en effet des caractéristiques dominantes des futurs cadres de la révolution en marche.

Mais Chou fut, de manière très précoce, un lycéen et un étudiant contestataires. Cela lui permit ultérieurement de comprendre, voire de contenir, les Gardes Rouges d’une Révolution culturelle dévastatrice et ainsi finalement de sauver les structures du Parti communiste et de l’Etat.

C’est en France qu’il organisa le premier groupe de l’élite communiste chinoise avant que Mao ne prenne la direction du movement.en Chine, il attira à sa cause les meilleurs cadets de l’École militaire fondée par Tchang Kaï-check et il convertit au communisme bien des échelons de l’armée républicaine. Et pourtant, paradoxe de sa pensée et de son action, Chou, dès sa jeunesse, ne crut jamais à la révolution par le haut, mais plutôt à la transformation des masses, notamment par l’éducation.

Ansi, créateur d’une élite politique bien avant Mao, organisateur de l’armée communiste, capable de toutes les synthèses, Chou fut l’homme de toutes les crises surmontées dans la turbulente histoire de la Chine contemporaine. Avec le recul, il et possible de dire que Mao révisa le marxisme originel, mais que le maoïsme fut aussi révisé, par à coups parfois violents mais en permanence. De fait, le portrait de Mao trône toujours à Pékin sur la Place Tian’anmen. Celui de Chou En-lai, parfois considéré comme le dernier mandarin de tradition confucéenne,  aurait certainement mérité d’y figurer.

Chou En-laï

Deng Xiao-ping, fut issu d’une famille de propriétaires terriens aisés du Sichuan et il participa à la Longue Marche en 1930 sur un parcours de 12.000 km. Encouragé par son père – qui avait étudié le Droit et les Sciences politiques – et lui donna pour mission d’apprendre en Occident pour sauver la Chine, il s’embarqua pour la France (NB: Shanghaï-Marseille) en 1920; étudiant, il y fut même ouvrier, notamment dans les usines Renault de Billancourt; il vécut un temps Place d’Italie où il partagea même une chambre avec Chou En-lai.  Il ne rentra en Chine qu’en 1926 après un séjour en Union Soviétique.

Il subit les purges de Mao pendant la révolution culturelle et c’est lui qui lança la réforme économique en 1978. Il était aux commandes du pays lors de la révolte de la place Tian’anmen. Il mit en place un système, sous lequel la Chine vit encore mais qui a peut-être atteint ses limites, s’appuyant sur la direction du Parti communiste mais dans le cadre d’une économie ouverte et parfois même considérée comme hyper-capitaliste; son adage, datant déjà de 1960, selon lequel « Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape la souris » est devenu fameux.

Deng est associé au développement économique foudroyant d’une Chine qui, en 30 ans, est sortie de la misère pour atteindre des taux de croissances à deux chiffres. Le système, caractérisé à la fois par l’autorité et l’extrême libéralisme économique, fonctionne-t-il toujours? Les problèmes démographiques nouveaux que connaît le pays, la reprise en mains par l’Etat du secteur économique ainsi que de l’idéologie et aussi une certaine contestation sourde et dans certaines situations plus visible, comme lors de la pandémie du Covid – sous l’effet paradoxal de l’élévation du niveau de vie et de l’accès à l’information par la jeunesse – conduisent à se poser la question. Tel est le défi majeur que doit affronter Xi Jin ping,  celui de masses devenues elles-mêmes une élite.

Et l’on pourrait aussi parler du Général Bâ, moins connu, mais dont le parcours illustre le syncrétisme politique chinois. Là encore, il faut se tourner vers le sud de la Chine en l’occurence la ville de Guilin (cf. Les Conquérants d’André Malraux, publié en 1928, commence par: « la grève générale est décrétée à Canton » ; c’est dans cette ville que le Président Xi reçut le Président de la République française). Le général, figure du Kuomintang, collabora en effet avec les communistes et avec Mao lui-même dans la lutte contre les envahisseurs japonais.

Le général avec Mao Tse-tung

Aujourd’hui encore, dans la Chine communiste, la mémoire du général (NB: un général du Kuomintang glorifié dans la Chine communiste) est honorée. Sa résidence est devenue une sorte de musée où sont exposées de nombreuses photographies de cette période héroïque.

Le général Bâ en famille

Ce rapide kaléidoscope ne saurait occulter les grandes étapes d’une histoire troublée, auxquelles d’éminentes personnalités ont dû s’adapter et qui y ont été souvent entièrement soumises: la Réforme des Cent Jours en 1898 afin de tenter de sauver, en vain, un Empire engoncé dans un immobilisme mortifère; la Révolte des Boxers en 1900; la Révolution républicaine de 1911 coexistant un temps avec le pouvoir impérial de Pékin; la Révolution communiste qui vit le triomphe de Mao Tse-tung en 1949.

Tout au long de ces événements, l’histoire ne saurait oublier que se multiplièrent des institutions plus modernes, – encouragées par des missions religieuses étrangères -, basées le plus souvent sur des modèles anglais et américain. Le voyage à l’étranger (NB: qu’effectua Chou lui-même en 1917, avant le séjour en France et sa découverte de plusieurs pays européens) avait fait aussi son oeuvre.

Deuxième partie : Des Soeurs Soong à Xi Jinping (2/2), la révolution permanente en Chine

Patrick Pascal


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